LES COLLAGES DE PAOLA SIMONINI-FULTON

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          Dans la progression d'une de ses œuvres, Paola Simonini-Fulton passe au moins autant de temps à "préparer" son support qu'à réaliser l'œuvre elle-même : sur la toile blanche, elle colle d'autres morceaux de toiles, disposés de façon à créer des plis, des replis, en éventails, parallèles, arrondis, à bords droits ou cisaillés… Avant que la colle ne sèche, elle réalise des ajouts abrupts, en relief, avec une pâte plastique contenant de fins grains de quartz. Elle en place également sur l'arête des collages, et en dissémine sur le fond blanc, de façon à créer des rappels, des rythmes de matière qui prolongent ou servent de contrepoint aux rythmes créés par les collages. Elle ajoute par endroits une pâte plus liquide, du gesso, dans laquelle elle fait avec une fourchette à spaghettis (décidément, l'imagination des artistes est infinie), des rainures parallèles semblables aux gondolements des cartons d'emballages bien connus. 

          Jusque-là, tout est blanc, avec des ombres créées par les différentes épaisseurs de toiles collées et de pâtes. L'artiste laisse sécher le tout. Les pâtes et les collages resserrés par la dessication s'intègrent parfaitement les uns aux autres et se raidissent.

          Paola Simonini-Fulton passe enfin à la couleur. Pas de règle définitive. Parfois, elle consacre une couleur à un pli ; parfois non, suivant que le rythme la satisfait ou pas. Ainsi apparaissent des harmonies ou des disharmonies de couleurs, des voisinages ou des oppositions violentes. 

          Très souvent, le fond est noir : un noir additionné de sépia, pour le rendre moins intense. Il est travaillé avec un pinceau très dur qui, avec le granulé produit par les matières de base, donne l'impression d'un travail au couteau et permet à la lumière du jour de jouer sur le damier irrégulier ainsi créé. Ce fond est totalement antithétique de la partie colorée.

          Si le fond n'est pas noir, il est complémentaire des plis, car le pinceau est dirigé en gestes plus larges, souvent concentriques, donnant l'impression de rotation d'une nébuleuse.

 

          Les tableaux que je préfère sont ceux où l'artiste a créé une disruption, en ajoutant une "boule", par exemple, faisant par la couleur employée, un contrepoint du "corps" de l'œuvre et dont la forme douce s'oppose aux côtés abrupts des collages. Parfois, d'ailleurs, l'arrondi est intégré à la partie linéaire des collages colorés. Les tableaux les plus "finis", les plus harmonieux, sont ceux dont le "corps" est élégant, laissant au fond une place importante. Si la "géométrie" prend trop de place, elle écrase les rythmes, et les œuvres paraissent plus "lourdes". 

 

          Un intéressant travail abstrait, car l'artiste est en même temps une véritable coloriste.

Jeanine RIVAIS

 

CE TEXTE A ETE ECRIT DANS LES ANNEES 90.