LES FANTASMAGORIES DE JOSETTE RISPAL, sculpteur

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Autoportrait holographique
Autoportrait holographique

Pénétrer dans le monde de Josette Rispal, c’est se trouver projeté dans une extravagante et somptueuse caverne peuplée à l’infini de sculptures arrachées à tous les matériaux possibles. Mais surtout, c’est être dès le seuil, confronté à des personnages grandeur nature, flanqués de végétaux aux ramures pétrifiées. Vigiles silencieux à la poitrine ouverte sur de fantasmatiques villes éclairées, ils conduisent entre leur double haie, le nouveau-venu vers la "Maison des âmes perdues" : Ce lieu de pénombre et néanmoins ouvert est orné de masques appendus aux murs, sur lesquels se réfléchissent des pinceaux lumineux. Les faciès grimaçants de ce surprenant aréopage de dieux lares, semblent inviter l’arrivant à s’installer parmi eux, l’exhorter à joindre ses rêves aux leurs...

En étrange osmose avec le cosmos et la nature, Josette Rispal ajoute à son univers poétique, arbres pleureurs, arbres magiques et sacrés, porteurs d’improbables offrandes... Et ses oeuvres de verre : "Fleur(s) lunaire(s)" aux corolles épanouies sur de délicates polychromies d’ambres, de pers et de bleus lumineux ou individus longilignes, aux formes onduleuses, dépourvus de membres, "Témoin(s)" immobiles regroupés comme un antique chœur muet ; vibrant d’irisations entrelacées ; réverbérant les chatoiements de leurs inclusions mordorées.

Car l’oeuvre de Josette Rispal est synonyme d’harmonie, beauté et lumière. Harmonie qui fait se côtoyer comme une composition unique toutes les variantes de sa créativité, en un même lieu devenu creuset de leur multiple splendeur. Beauté qui confère à chacun de ses personnages délicatesse et raffinement, dans la magie de leurs anamorphoses. Et lumière, ruisselant sur les disruptions des terres cuites ; parcimonieusement répartie sur les surfaces burinées de quelque noctambule de bronze, rencogné dans l’ombre ; jouant le mystère sur les scarifications ethnographiques d’un hiératique dignitaire à la collerette lobulée ; luisant doucement sur les branches d’un chandelier, scrutant ses intailles et ses incrustations, comme pour en affiner la résonance intimiste ; scintillant enfin sur les strass des derniers-nés de cette grande Utopie, créatures conçues de pied en cap par l’artiste -mais n’avait-elle pas réalisé naguère des mariées aux corps éclatants de féminité ; aux sexes rebrodés avec une précision d’entomologiste ; aux vêtements ouvragés comme pour la solennité d’une fête régalienne ?- Nombreux déjà, ces "Vestiges" sont entièrement faits d’objets de récupération, preuves que même les oripeaux les plus vulgaires peuvent, entre les mains de Josette Rispal, devenir riches brocarts, velours soyeux, peaux satinées : Ici, un drapé allonge une jambe gainée de soie ; là, un plumetis souligne une gorge, un corset amplifie la cambrure d’un dos... Masques vénitiens, perruques piquées de cabochons, bijoux, éventails et réticules, maquillages... rompent l’ovale trop parfait d’un visage, distraient une main oisive, voilent une nuque... Cet attroupement de corps en mouvement immobile semble par sa compacité, barrer le passage au visiteur, lui suggérer qu’il est temps de rebrousser chemin ; revenir au long des itinéraires labyrinthiques de leur génitrice, vers les étranges homomorphes qui gardent la porte de la caverne... Jeanine Rivais.

CE TEXTE A ETE PUBLIE DANS LE N° 59 DE JANVIER 1997 DU BULLETIN DE L'ASSOCIATION LES AMIS DE FRANCOIS OZENDA.

DANS LE N° 50 DE DECEMBRE 1996/JANVIER 1997 DE IDEART.

DANS LE N° 16 DE NOVEMBRE 1996 DE LA REVUE DE POESIE LE CRI D'OS.