Des poètes les ont rimés ; des fabulistes ont moralisé ; des sorciers se sont livrés en face d'eux à d'inquiétantes bacchanales ; des photographes ont, avec une infinie patience, tourné en une danse au ralenti autour des nœuds des arbres, de leurs invraisemblables chantournements, des entrelacs des branches,  traquant leurs homochromies et leurs homomorphies, ici un corps de bête, un buste d'homme, là une tête maléfique, ailleurs une patte griffue… 

Très préoccupée comme tous ces "adeptes" -parfois jusqu'au mysticisme- de la communion animal-végétal, Flam "fait vivre" depuis des années, "ses" arbres. Non pas des arbres anonymes, banalement intégrés à quelque paysage, mais des arbres de vie dans lesquels elle niche de délicats visages au regard énigmatique de sphinx aux mains tendues devant eux, sommant de s'arrêter le voyageur égaré ! D'autres fois, revenue de lointains voyages, l'artiste recrée ses mythologies personnelles : sur des rocailles érodées, aux anfractuosités menaçantes, aux parois ravinées, elle érige sur les ocres et les sépias originels, de très tassiliens homuncules aux bras raides, plaqués de part et d'autre d'une gorge, comme si eux aussi, avaient pouvoir d'en interdire l'entrée ! 

Quelques variantes moins convaincantes emmènent la peintre vers de symboliques ajouts, sans motivation évidente pour le spectateur, de femmes lascivement allongées au sommet de ces montagnes, d'yeux isolés au milieu d'une ravine… vers des œuvres plus anecdotiques de musiciens ou de scènes religieuses.  Mais ces errances ne sont que digressions dans une démarche très impressionniste, où le travail centré sur la relation déjà évoquée, de l'artiste avec les végétaux, oublie le sujet et le graphisme et donne la primauté à la matière : Projections de peinture, espaces lissés à grands coups de pinceau, ou au contraire petites touches minutieuses, granités, rugosités mates… se combinent à des vernis, des huiles de lin dont les coulures flamboyantes entraînent l'œuvre dans de larges passages presque abstraits d'où l'artiste revient comme à regret pour dresser sur un ciel d'un bleu estival, ses arbres calcinés, ses baobabs aux ramures multiformes mouchetés d'oiseaux blancs, etc.

Elle reste littéralement "le nez collé" sur eux pendant des heures, les générant, les intériorisant, leur conférant sa propre musicalité, son exotisme chaleureux : cette proximité évidente qui confère aux perspectives animistes ainsi créées beaucoup de gravité, conforte le visiteur dans le sentiment d'osmose totale qui lie la peintre Flam à ses réalisations volontairement végétales, oniriquement fantasmatiques ! 

Jeanine RIVAIS

 

CE TEXTE A ETE ECRIT EN 1990.