Gérard Lattier a vécu bien des heures mouvementées et difficiles qui semblent avoir chaque fois agi sur son intégrité physique. Ainsi, à six ans, a-t-il été partiellement paralysé, et à vingt-cinq ans est-il devenu temporairement aveugle ! Il semble que le deuxième avatar soit né de ce qu’il peignait des œuvres tellement terrifiantes qu’il a réussi à se faire peur ! Ne voulant plus voir le monde tel qu’il est, ni tel qu’il le représentait jusqu’alors, il a décidé de le transformer, et de s’en créer un dans lequel il aurait les deux pieds résolument enfoncés dans son terroir et la tête dans les étoiles. Et, en accord, enfin, avec lui-même, il a recouvré la vue… Depuis, il n’a plus quitté cet univers en marge, et, autodidacte, devenu créateur par nécessité vitale, il a émaillé son existence de « belles » histoires, des contes plutôt, puisés dans la vie campagnarde ou le quotidien populaire, centrés sur des histoires locales imaginaires comme la Bête du Gévaudan et autres monstruosités célèbres… Toujours sources d’horribles exultations… 

          A la fois peintes et commentées de textes en français ou en patois, calligraphiées en caractères d’imprimerie, ces œuvres ont, pour le lecteur-spectateur, la saveur jubilatoire de toutes les œuvres sulfureuses ! Histoires vraies ou qui auraient pu l’être, elles portent des titres évocateurs : Ainsi,  « Tuer les morts »  réalisée autour de celle de son père pendant la guerre.  (La bombe qui l’avait enseveli sous un tunnel où il se croyait sauf avait en même temps déterré une petite fille décédée lors d’un précédent bombardement) ; ou «Voilà pourquoi je raconte des histoires» expliquant comment, parlant de la Guerre d’Espagne, il avait littéralement tiré de sa torpeur un vieil Espagnol à demi-mort de désespoir ; ou encore « Histoire pour décourager les gens de venir l’été en Ardèche » où il racontait avec force détails, le plaisir d’une jeune fille se baignant dans la rivière et… découvrant bientôt qu’à ses pieds, dans l’eau, se trouvait un cadavre en décomposition ! 

          On pourrait ainsi pendant des heures lire / voir les aventures scripto-picturales de Gérard Lattier devenu depuis plusieurs décennies, la figure emblématique du Petit Musée du Bizarre où son ami Candide ne tarissait pas d’éloges et d’anecdotes sur la vie et la verve humoristique et si endiablée de son poulain... sur cette création à la fois naïve et brute, où chaque « histoire » ressemble à ces ex-voto populaires dont la vocation est à la fois de conserver la mémoire collective, la transmettre pour le meilleur et pour le pire et, selon l’imaginaire de celui qui les « reçoit », l’emmener loin du quotidien en de bouillonnantes  fantasmagories !

 (Candide qui a quitté notre monde au printemps 2002, nul doute pour un autre où l’anarchie, l’humour, lui seront de bons amis…)

Jeanine RIVAIS

 

 

Gérard LATTIER : né à Nîmes en 1937. A 6 ans, paralysé pendant des mois se met à dessiner. Cordonnerie, puis mairie comme dessinateur. En 1965, à la suite d’une crise personnelle, à la limite de perdre la vue.

1eres peintures pas à vendre, mais destinées à illustrer ses contes lors de ses pérégrinations. Diptyques ou triptyques  panneaux de bois marouflés de toiles et reliés par des lanières de cuir. Propose des histoires 

Un ou plusieurs textes d’accompagnement calligraphiés en capitales, moitié en patois, moitié en français. Proches de l’ex-voto populaire, ses peintures racontent des accidents ou des histoires. Vraies ou qui auraient pu l’être.

Peint pour conserver, transmettre exorciser la mémoire collective qui tantôt se montre encombrante, tantôt menteuse (la battue), tantôt défaillante. (Candide. 1972). 

 

CE TEXTE A ETE ECRIT EN 2000