ANNE MANDORLA ET SES ETRANGES PERSONNAGES

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          Parmi les expositions qui ont compté, cet été en Corse, les amateurs d'art ont pu visiter celle de trois femmes-peintres, à la Cave d'Orenga de Gaffory, à Patrimonio. Cette exposition proposait trois démarches très différentes : des œuvres sur papier de Maddalena Rodriguez-Antoniotti, Marie Pinoteau et Anne Mandorla. C'est cette dernière que l'automne nous ramène.

          Véritable globe-trotter, Anne Mandorla a, cette année, quitté son atelier de Biguglia et la maison de ses amis dans le Cap Corse, pour passer la fin de l'été en Allemagne. L'avenir nous montrera ce que lui aura inspiré le berceau de l'Expressionnisme.

 

          Elle proposait à Patrimonio cinq grands formats en papier marouflé sur toile, un travail à tendance abstraite, une recherche intense de matières et de couleurs. Toujours sur papier, mais beaucoup plus intimiste, son travail actuel est constitué de petites "séries" très colorées, d'un humour grinçant, une vision un peu apocalyptique de l'espèce humaine !

          Confiant à l'une de ses amis, qu'il serait drôle pour un individu, d'avoir le sexe au milieu du visage, afin que les autres puissent lire au travers, elle a réalisé cinq têtes, porteuses de cinq "bouches"   (je les avais naïvement baptisées "lucarnes") encadrant chacune une paire de fesses, cinq postérieurs très réalistes et provocateurs, très bien peints et qui engendrent la jubilation par leur caractère irrévérencieux !  

          En fait, cette exposition aurait pu avoir pour titre "LES BOUCHES" : pour la série suivante, tout aussi réussie, il faut partir du bas de chaque œuvre, d'une spirale-tripes-escargot :le "moi" réuni, concentré ; contourner une bouche-sécateur béante ; et parvenir au sommet du crâne, porteur d'une couronne ! 

Vibrion rêvant de sa métamorphose en bonbon
Vibrion rêvant de sa métamorphose en bonbon

          Enfin, une dernière série propose des "faces" triangulaires, aux yeux la plupart du temps carrés, aux bouche horriblement atrophiées, aux cheveux-vibrions, dont les titres sont tout à fait significatifs, comme "Vibrion rêvant à sa métamorphose en bonbon" ! 

          Le visiteur reste ébahi, coincé entre cette jeune femme souriante, à l'air tout à fait épanoui, et cette œuvre chaotique, si violemment psychanalytique ! Mais au fond, quand Aloïse ou Dubuffet qui l'avait découverte, peignaient des personnages tordus, difformes, aux yeux exorbités ou au contraire inexistants ; qu'Ensor proposait ses "Masques scandalisés" ou que les Expressionnistes jetaient sur la toile leur désespérance, le visiteur n'était-il pas également ébahi ou scandalisé ? 

          Après tout, le voyage en Allemagne d'Anne Mandorla a peut-être commencé à porter ses fruits ? 

Jeanine RIVAIS

 

 

 

 

Ce texte a été écrit en 1995,après l'exposition d'Anne Mandorla à Patrimonio (Corse).

Joie narquoise // La roue minuscule de son destin personnel // Jardin corallien // La roue minuscule de son destin personnel 2
Joie narquoise // La roue minuscule de son destin personnel // Jardin corallien // La roue minuscule de son destin personnel 2
Le sécateur de son bec // Par divertissement, un nain sortit d'un trèfle // Albertine, Albertine ! // Le fou m'abandonne
Le sécateur de son bec // Par divertissement, un nain sortit d'un trèfle // Albertine, Albertine ! // Le fou m'abandonne