Il est des vocations précoces, comme celle de Michel Sfez qui, dès l’âge de quinze ans, a pris conscience d’une puissante attirance pour la photographie !
Travaux intimistes, au début, sensations d’approches -comparables peut-être aux timidités d’une fin d’adolescence- fuyant la couleur sans doute trop révélatrice, évoquant et cachant les sujets, des femmes souvent, alternant des contrastes de nets et de flous, de reflets dans des vitres ou des miroirs obscurcis...
Les années passant, le photographe s’est enhardi. Mais la même convivialité a continué d’auréoler ses créations nocturnes, réalisées en lumières travaillées, après de longues heures de mise en condition de l’artiste et de son modèle. Jamais de “réalisme”, néanmoins, des fragments d’anatomies ; parfois même non pas le corps nu mais son reflet ; de magnifiques contre-jours et le savoir-faire du technicien venu conforter le photographe pour “maquiller” le négatif, provoquer des effets spéciaux comme des nuages ou des transparences... ; créer son style ; générer un monde plus fantasmagorique, rendre oniriques les œuvres, en somme !
Et, lorsqu’il s’est mis à errer dans les rues de Paris, commençant à en fixer des “passages” qui lui semblaient originaux, c’est bien ce sentiment de latence qu’il a su immédiatement faire surgir ; qu’il s’agisse de personnages accroupis têtes appuyées sur leur main en... bas d’un escalier ; de statues découpant leurs silhouettes noires sur l’immensité piquetée d’arbres nus d’une place citadine ; ou du clair-obscur d’un bistrot dans lequel “attend” une vieille femme, mains croisées devant son verre ; etc.
Ambiances un peu “rétros”, également ; comme si la violence physique et psychologique des néons plongeant la ville moderne dans des lumières froides, ne pouvait satisfaire la soif d’images de Michel Sfez ! Vieux murs, vieilles gens, chats ou chiens égarés sur les pavés, découpés en noir sur des fonds plus clairs, cheminées branlantes ou enfants escaladant des palissades antédiluviennes... se succèdent devant l’objectif, suggérant que ce jeune photographe amoureux des formes adoucies et patinées du passé, pourrait avoir cent ans ! L’âge en tout cas de donner au spectateur son lot de souvenirs, de nostalgie et de rêve !
Rêve encore, un magnifique livre auto-édité, intitulé Paris pour toujours, témoignage touchant des émotions ressenties lors de ses pérégrinations ; reflets en noir et blanc des impressions de cet infatigable promeneur.
Jeanine RIVAIS
CE TEXTE A ETE ECRIT EN 1998 POUR UNE EXPOSITION A L'UDAC PARIS