Depuis toujours, Pascale Louis a été attirée par la peinture et le dessin. En particulier, ceux du corps. Et les écoles de formation qu’elle a fréquentées, où on l’a obligée à une sorte de stakhanovisme pictural avec modèles, loin de la dissuader, l’ont amenée à une perfection technique dont elle a appris à se méfier. C’est pourquoi, (les "nus" très académiques qu’elle réalise de façon récurrente en témoignent) consciente de son " savoir-faire ; et absolument sûre que s’il peut lui servir de base il ne pourrait en aucun cas devenir une finalité, elle a commencé à réfléchir sur sa création, à être de plus en plus exigeante quant au "dit" de ses œuvres. 

Des œuvres toujours très construites, sortes de "lignes-souvenirs", traces d’un mouvement discontinu transformé en une ligne continue. Car, loin de se simplifier la tâche, Pascale Louis préfère les modèles en mouvement, les danseuses en particulier. Il lui faut donc capter au millième de seconde le moment de la plus grande énergie intérieure du corps, du frémissement intense qui va générer dans sa tête et par son crayon une ligne sur le papier. Tout va tellement vite que son travail ne peut relever de la réflexion, il ne s’agit plus que d’émotion, de synergie avec le modèle, d’un élan inconscient conjuguant le geste du corps mobile et celui de la main, d’une compréhension absolue et totalement instinctive entre les deux personnes face à face.

          Ensuite, dans le calme de son atelier, l’artiste reprend son souffle, reprend aussi la trace brute et spontanée, en découpe les moments les plus puissants pour les recomposer de manière que, si la fidélité au souvenir est un peu trahie, son intervention picturale retrouve néanmoins l’intensité des moments vécus, témoigne de façon plus intellectuelle de la fébrilité, de la complicité passée. L’expression de ces corps mobiles et souples se retrouve sur le support non comme une esquisse progressive qui décomposerait l’évolution d’un unique mouvement, mais comme une suite de "flashes" qui résumeraient les temps forts de la danse. 

Intervient alors la couleur. Celle des corps, bruns, se détachant sur celle, toujours douce des fonds, non pas pure mais en demi-teintes mêlées, qui se diluent sur le papier préalablement détrempé, créant des "accidents", des sortes de contretemps par rapport aux lignes des silhouettes, rompant le rythme et la gestuelle, cassant les rapports entre les formes, décomposant la lumière conçue en des gris-clair qui surlignent les anatomies de larges auras incertaines.

A d’autres moments, sur les corps assis, relâchés en des gestes familiers, ou relaxés en des poses désinvoltes, Pascale Louis joue carrément les modestes : elle "cache" ces lignes harmonieuses sous des taches non-formelles de peinture, n’en laissant que de brefs "passages", ici un sein, là un pubis, la courbe d’une hanche…  "apparaissant" ou "disparaissant"  "derrière" ou "à travers" ces matières déposées à larges coups du pinceau surchargé, ou au contraire presque sec "râpant" la toile. De ce fait, ce galbe obéré devient volume ; la main ne court plus derrière lui, mais en caresse les formes lourdes ; la réflexion n’intervient plus là où seule joue la tendresse : le repos du guerrier, peut-être, pour Pascale Louis ?

Laquelle possède bien, en effet, une science de la peinture qui s’allie magnifiquement à sa grande passion créatrice.

Jeanine RIVAIS

 

CE TEXTE A ETE ECRIT EN 2000.