ŒUVRES DE PIERRES ET DE CHAIR

De PIERRE BETTENCOURT

(peintre, sculpteur, collagiste, écrivain, etc.)

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L'arbre de vie (peinture)
L'arbre de vie (peinture)

            En 1956, lors de la première exposition de Pierre Bettencourt, le poète Henri Michaux écrivait : "Ceux qui aiment le pain parfaitement blanc, qu’ils n’entrent pas ici. Peinture impure. Chargée, obsédée, possédée". Plutôt qu’"impure", sans doute pourrait-on dire que, par sa puissance, la création de ce touche-à-tout possède la beauté des somptueuses plantes vénéneuses que le spectateur regarde à la fois avec un infini plaisir, une intense fascination et une sorte de timidité craintive !

La négresse blonde (Peinture)
La négresse blonde (Peinture)

Puissance jamais démentie, tant en littérature ("Séjour chez les Cortinaires", "Notes de voyage au pays des hommes-bousiers", "Séjour chez les Big-Nambas", etc.) où il est devenu l’un des écrivains les plus insolites de notre temps ; que dans les arts plastiques où son insatiable curiosité a fait de lui un artiste hors de toutes obédiences ; développant des techniques qui étaient jusqu’alors l’apanage des créateurs de l’Art brut, les enrichissant tellement, grâce à son imaginaire débridé, que son œuvre ne soit comparable à nulle autre !

            En effet, de la presse à bras acquise en 1941, pour imprimer les textes de ses amis (Paulhan, Ponge, Dubuffet, Michaux…) ; et les siens déjà sulfureux, irrévérencieux, provocateurs ; à ses "Hauts reliefs", totems, collages… ; d’émerveillements en phrases poétiques ; de découvertes en coups de cœur ; Pierre Bettencourt a, sur un demi-siècle, chevillé son œuvre tellement atypique. Mêlant vie et fantasmes, chaque événement personnel a conduit "ailleurs", cet artiste qui "ne se voyait pas être (juste) un autre artiste de la peinture à l’huile" : un séjour dans le Midi de la France, et le voilà à composer des portraits avec des ailes de papillons dont la poudre était rehaussée de touches d’aquarelle délimitées par des glacis de sucre…

Collages d'ailes de papillons
Collages d'ailes de papillons

Voyageur infatigable vers les plus lointaines civilisations, glaneur impénitent de tous objets hétéroclites (silex, porcelaines, coquilles d’œufs, grains de café, clous…), il a d’emblée su les conjuguer à l’intérieur de cercles de glaise ; les organiser jusqu’à obtenir des corps aux visages perplexes, étonnés, douloureux, machiavéliques… jamais débonnaires.

Triptique
Triptique

            Car ces assemblages n’ont rien d’innocent. L’artiste sait donner aux matériaux les plus vulgaires, les chatoiements les plus sensuels, les carnations et les modelés les plus délicats, les expressions les plus évocatrices. Son talent, son doigté et son imaginaire font feu de toutes cultures, de toutes fantasmagories, de toutes familiarités avec dieux et diables, mythologies et souvenirs ; génèrent des êtres désespérés ou lubriques, fabuleux ou banals, intimes ou universels, truchements toujours de vie et de mort. Toutes éventualités qui font de cette œuvre insolite et mystique, une quête jamais achevée.

Laquelle amène Pierre Bettencourt à déclarer : "A quatre-vingt-cinq ans, ne doit-on pas, mauvais cavalier que je suis, savoir gré à la vie de ne pas vous avoir, depuis longtemps, jeté à bas de sa monture ?" Puisque la vie lui a été si bonne et si riche, souhaitons pour notre plus grand plaisir, qu’il chevauche longtemps encore cette monture fabuleuse !

                                                                                                          Jeanine Rivais.

Malheureusement, Pierre Bettencourt a cessé de chevaucher sur ses invraisemblables destriers, puisque né à Saint-Maurice-d'Ételan, (Seine-Maritime), le 28 juillet 1917 il a quitté ses admirateurs à Stigny, (Yonne), le 13 avril 2006 !

CE TEXTE A ETE ECRIT EN 2004, APRES LA MAGNIFIQUE EXPOSITION ORGANISEE POUR LUI PAR LE MUSEE SAINT-GERMAIN D'AUXERRE..

Couverture de "Hauts-reliefs"
Couverture de "Hauts-reliefs"