Resté pendant près de vingt ans inactif dans un centre asilaire hermétique à toute idée d’initiative ou de créativité, Umberto Bergamaschi a eu la chance d’être un jour intégré aux ateliers d’Art-thérapie de l’hôpital psychiatrique de San Colombano Al Lambro, près de Milan. Où, prisonnier encore de canons artistiques inculqués dans son enfance, il s’est un temps appliqué à restituer copie conforme de petits paysages. Mais les bonnes fées, décidément, s’intéressaient à lui : il se retrouva dans l’orbe d’un éducateur-artiste, Michele Munno, qui l’encouragea à se libérer de toutes contraintes créatrices.

          Et voilà qu’un jour, le hasard lui ayant mis dans la main une pièce de monnaie, Umberto Bergamaschi manifesta le désir de la dessiner : apparurent le bord rond, bien sûr, et le personnage au centre de la pièce ! Il avait trouvé son “eurêka” !

          Depuis, ce créateur a ovalisé le contour de son dessin, en a fait un oeuf, en fait ! A l’intérieur duquel, au centre d’un fond très appuyé au crayon de couleur, se trouve un personnage  –homme, femme, animal -- “en mouvement” : levant les bras, avançant sur la pointe des pieds, tendant le cou....

          De sorte que ses oeuvres, toutes construites sur ce modèle identique, constituent un véritable paradoxe : “enfermés” dans cet univers clos d’un trait noir sans aucune amorce d’ouverture ; et baignant dans ce qui, de toute évidence, est l’équivalent d’un liquide amniotique, ces êtres-là ne sont pas supposés être “nés” ! Mais leur non moins évidente mobilité  affirme le contraire : le spectateur peut donc conclure qu’ils le sont bel et bien ; et que, seuls au centre de ces cocons douillets, ils “vivent” dans un silence et une sérénité d’où ils n’ont pas la moindre envie de sortir !

          Ainsi, Umberto Bergamaschi en est-il venu à une création bien à lui qui, de la pièce originelle, symbole d’échange possible, a conservé l’aspect plat, sans profondeur. Mais il s’en est allé bien plus loin, dans un microcosme psychanalytique fait de solitude consentie, voire désirée parce que rassurante, d’où sont totalement exclues les notions d’angoisse, de temps et d’espace ! Heureux Umberto qui, avec un plaisir manifeste, a ainsi recréé des centaines de fois –continue de recréer -- le même petit monde toujours différent !

Umberto Bergamaschi et Jeanine Rivais
Umberto Bergamaschi et Jeanine Rivais

UMBERTO BERGAMASCHI : Centre de recherche et de diffusion de l’Art en marge ; 59 rue des Alexiens. 1000. BRUXELLES.

 

Ce texte a été écrit en 2000.

 

 

VOIR AUSSI : "LE MONDE CLOS D'UMBERTO BERGAMASCHI" ;  N° 69 DE JANVIER 2001 DU BULLETIN DE L'ASSOCIATION LES AMIS DE FRANCOIS OZENDA.