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"Le parfum vit dans le temps ; il a sa jeunesse, sa maturité et sa vieillesse. Et ce n'est que s'il sent également bon à ces trois âges, qu'on peut dire qu'il est réussi..."(¹)
Qui peut jurer ne s'être jamais retourné dans la rue, parce qu'il venait de recevoir soudain une bouffée de parfum ? De ne s'être, inconsciemment, demandé si le ou la passant(e) à l'origine de ce plaisir olfactif "correspondait" aux effluves qu'il (ou elle) répandait ; et instinctivement offusqué lorsqu'un physique était "indigne" d'une senteur qu'on avait imaginée sur d' "autres" ? Qui, enfin, n'a jamais "reconnu" par le truchement de telle odeur acidulée ou trop suave, la personnalité d'une rencontre de hasard ?
Car, "enfoui dans nos souvenirs depuis la nuit des temps, présence de tous les instants, le Parfum est là, silencieux. Mystérieux. Envoûtant. Majestueux" (2) Il est un ami. S'en séparer cause chagrin. Il est source de plaisir renouvelé. Il est en somme pour chacun à la fois une composante de sa propre odeur et une sensation particulière dont il éprouve la présence sur son corps ; qu'il sent s'éteindre à regret ; qu'il retrouve avec un véritable sentiment de sensualité !
Par ailleurs, qui peut affirmer n'avoir jamais éprouvé une vague de nostalgie et de frustration en reposant sur une étagère un flacon dont, pendant de brefs instants, les formes s'étaient lovées intimement au creux de sa main ; les biseautages avaient capté chaleureusement entre ses doigts les irisations de la lumière ou les rondeurs chatoyé sous sa caresse ... dont l'esthétique enfin l'avait convaincu que le parfum abrité par ce flacon aux couleurs si spécifiques et aux composantes si originales "aurait" été "forcément" à sa convenance !
C'est pourquoi l'exposition présentée à Lyon par le Comité des Parfums, somme de tous ces sentiments, est un enchantement : Itinéraire à travers des vitrines où se côtoient, véritables chefs-d'œuvre anciens ou récents, les créations de toutes les "grandes marques" : telles des bijoux, d'émaux peints, d'or ciselé ou niellé, portant en médaillon le portrait d'une coquette ; destinées à accompagner dans ses voyages quelque couple au goût raffiné et protégées alors dans des coffrets de laque tendus de soie ; conçues pour immortaliser un épisode heureux de la vie du parfumeur ; concrétisations de ses fantasmes ou de ses rêves ; évoquant les dieux antiques, etc. Et puis, les "mots du parfum", vocabulaire noble, imagé, enrichi au fil des siècles des sensations des poètes et des écrivains ; où "rose", "ambre", "santal"... évoquent des palais de mille et une nuits ; où "L'aubépin et l'églantier / Et le thym, / L'œillet, le lys et les roses, / En (chaque) saison / A foison, / Montrent leurs robes écloses". (3)
Une exposition très pédagogique, en outre : des panneaux explicatifs familiarisent le visiteur avec les secrets de la fabrication des parfums ; avec les difficultés à fixer ce qui procurera une suite d'instants privilégiés. Des appareils aux multiples tubulures suggèrent la précision et la durée des opérations. Des textes en dévoilent les arcanes, des photographies en illustrent les étapes... Des bacs emplis de racines ou de pétales séchés jalonnent ce parcours. Et, classés dans des tiroirs, entêtants à force d'être divers, des bâtonnets imprégnés de ces multiples fragrances, confirment au promeneur mais en est il besoin ?- que le charme infini du parfum tient aussi à son évanescence !
Jeanine RIVAIS
(1). "Le Parfum. Histoire d'un meurtrier" : Patrick Süskind.
(2) Catalogue de l'exposition.
(3) Rémy Belleau.
CE TEXTE A ETE PULIE DANS LE N° 63 DE DECEMBRE 1999 DE LA REVUE IDEART.
PARFUM : L'EXPO : Muséum d'Histoire Naturelle. 28, Boulevard des Belges. 69006. LYON. Jusqu'au 4 juillet 1999.