LA FIAC A TRENTE ANS

(FIAC = Foire Internationale d’Art Contemporain)

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Orlan "Le baiser de l'artiste" Fiac 1976-2003
Orlan "Le baiser de l'artiste" Fiac 1976-2003

          Née voici trente ans dans la gare de la Bastille transformée en lieu d’exposition, la Fiac a subi, sous la houlette des mêmes organisateurs, les migrations successives de tous les grands salons ; jusqu’à la Porte de Versailles où se bouscule maintenant le même public argenté, participant annuellement à la grande FOIRE de l’Art contemporain et officiel. Dont la réputation internationale de faiseuse de marché est solidement établie.

  S’il fallait analyser l’évolution des œuvres proposées depuis les quatre-vingts exposants des origines jusqu’au millier d’aujourd’hui, sans doute pourrait-on dire que toutes ces têtes ont bien travaillé ; que toutes ces cervelles se sont intensément creusées : sinon, comment "prouver" qu’un sac goudronné qui, placé au bord de la route ne serait qu’un sac de jute goudronné, est sur l’étagère d’une galerie, une œuvre d’art ? Mais les cœurs, dans cette "création" "avant-gardiste", combien de fois ont-ils été au rendez-vous ? Mais les questionnements, les angoisses inhérents à la création, où se sont-ils logés ? Que restera-t-il de ce sac qui trônait à plusieurs exemplaires quasi-similaires, cette année encore ?

  Sans doute, faut-il évoluer avec son temps ? Peut-être n’est-il pas bon de s’accrocher aux valeurs du passé ? Bien sûr, l’œil du public habitué aux canons de la peinture classique eut-il du mal à s’adapter au lyrisme romantique ?... Assurément, il en va de même à chaque changement de mentalité. Mais qu’ont eu, elles, de révolutionnaire pour l’esprit et le sens artistique, les vidéos, les installations, les rayures de Buren ? Si elles ont gonflé nombre de portefeuilles, ont-elles enrichi les cœurs et les esprits des visiteurs ?

Galerie Alimentation générale Luxembourg Fiac 2003
Galerie Alimentation générale Luxembourg Fiac 2003

          Facile, la réponse qui semble double, est en fait "une" : elle est dans les musées classiques où ces visiteurs font deux heures de queue (Cézanne, Chagall…), par comparaison avec ceux d’Art contemporain, désespérément vides (il ne s’agit pas de rejet, mais de respect). Et, subséquemment, parce que cette manifestation est consciente de ce problème, et constate que l’avant-gardisme ne fait plus recette, elle est dans la programmation même de la FIAC qui, sous couvert d’"histoire" de l’art, propose désormais dans chacun de ses espaces, des artistes du début du XXe siècle (Herbin, Arp…) ; des " poètes plasticiens " (Brauner, Matta…) ; des Surréalistes (Magritte, Masson…) ; et des incontournables, comme Picasso, Léger, etc. Même les courants d’après-guerre sont abondamment représentés (Combas, Di Rosa, Tapies…). Tout cela côte à côte avec des aberrations, dont celle évoquée plus haut.  Cette caution culturelle qui, cette année, consolait les réticents, a si fort choqué les "esprits ouverts" qu’un très officiel critique a reproché à la FIAC d’être devenue "trop sage" !

Trop sage ? Est-on trop sage, lorsque l’on défend des valeurs authentiquement créatives, au détriment des phénomènes de modes ? Pour cet aspect de son action, (même "suspect"), bon trentenaire à la FIAC ! Sans pour autant oublier qu’il s’agit d’une foire… de l’ART !

Tout de même, avoir chez soi une " bonne " peinture témoignant de l’amour de l’artiste pour l’action de peindre ; de sa souffrance "dite" sur chaque toile, voilà qui n’est pas mal non plus !

Jeanine RIVAIS

 

CE TEXTE A ETE PUBLIE DANS LE N°50 DU QUATRIEME TRIMESTRE 2003 DE LA REVUE DE LA CRITIQUE PARISIENNE.