MIREILLE GUENIN attaque sur tous les fronts : elle est peintre, galeriste, éditrice. La peintre présente son travail dans les lieux les plus divers comme la Maison du Don du Sang ou la Fourmi ailée -salon de thé-librairie). L'éditrice propose des timbres d'art, et publie "Champs d'intermittences", un très beau recueil où, avec Sarah Wiame, elle illustre les poèmes d'Hélène Giorgi. La galeriste fait vivre avec bonheur la Galerie Hélios et lance ses cimaises à l'assaut du Pont de Normandie, inauguré le 22 janvier 1995. A part les institutionnels, ingénieurs et architectes qui fêteront la prouesse technique réalisée avec le plus long pont à haubans du monde, la galerie Hélios est la seule, "de son côté de Seine", à prendre une initiative picturale destinée à célébrer l'événement. Pour ce faire, elle a invité quatre artistes extérieurs à la région. Chacun propose cinq œuvres sur papier de même format, sur le thème du "Passage". 

          SARAH WIAME a, dans son style si personnel de projections-grattages-déchirures, créé des compositions plastiques sur ce pont à la fois présent et irréel. Renonçant à son œuvre réaliste ou esthétique, elle a imaginé une allégorie, traduit l'interrogation posée par le pont ; sa fonction de "bateau" réunissant les deux rives, la permanence intervenue du fait de sa construction, l'idée que, comme une nef, il apparaît plus proche du ciel que de la terre. 

          Travaillant à partir de documents techniques et photographiques, JACQUELINE WAECHTER a fait sienne la phrase de Giacometti : "Je tourne dans le vide et je regarde l'espace et les astres en plein midi qui courent à travers l'air liquide qui m'entoure.". Ses collages-pastels font revivre par éléments-flashes, les points d'équilibre de ce pont sans ancrages ; témoigne de l'ouverture des potentialités qu'il offre, sans préjudice pour la permanence terrestre (vasières, petites îles…) qu'il enjambe. 

          JEAN CHOLLET, avec ses encres de Chine avivées de pigments colorés, jette avec le papier, l'image intérieure que crée en lui l'idée du pont, arche au-dessus de l'eau, témoignage de solidarité, latitude de franchir enfin un espace jusque-là infranchissable. Il éclabousse de lumière ses créations picturales, pour qu'elles témoignent de son propre éblouissement face à cette nouvelle merveille du monde.  

          Le graphisme linéaire, en acrylique et pastel, de JEF GRAVIS s'attarde sur l'idée des haubans, rejoint celle symbolique du pont-passage "telle l'épée de Guillaume traversant les deux rives de tous ces fils dominant de leur élégance et leurs entrelacs arachnéens, la baie de Seine, comme un arc-en-ciel jeté par Zeus".

          Une belle exposition longuement concertée par les artistes et la galeriste qui à l'origine , avait eu l'idée utopique de faire progresser en même temps que le pont ; des artistes peignant en un interminable "happening" leurs sensations sur un rouleau infini, une toile témoin de cette merveille en gestation.

Jeanine RIVAIS

 

CE TEXTE A ETE ECRIT EN 1995.