Etrange destin que celui d'Oleg Zinger, né à Moscou en 1910, d'un père physicien célèbre, amateur d'opéra, et d'une mère actrice célèbre de la troupe de Stanislavski. Emigré de longues années en Allemagne, il est venu en France à la fin de la guerre. 

Ses sources premières puisent dans la littérature russe dont nombre de thèmes se retrouvent dans ses œuvres. Néanmoins, il serait restrictif de le classer dans les artistes slaves, ses pérégrinations à travers le monde ayant multiplié les influences picturales qui émaillent ses créations. Plus importante est sa tentative (avortée) de devenir zoologue, car les animaux abondent dans son travail en d'étranges bestiaires humoristiques ou un tantinet nostalgiques dessinés en traits infiniment précis. 

Mais la même méticulosité se retrouve dans ses fictions ; ainsi alternent sur ses toiles animaux naturalistes bouillonnant de vie (singes suspendus aux branches, toucans guettant les bruits de la savane…), et pseudo-acteurs jouant des rôles humains ; car, omniprésente dans son œuvre est la Commedia Dell Arte qu'il adapte avec un tempérament de fabuliste, mettant en scène indifféremment hommes ou bêtes dans des rôles similaires. Il s'intéresse résolument aux petites gens, ne peignant que des scènes populaires (chasseurs, bateleurs, marchandes de poissons…) ; au diable, aussi, bouc cornu dansant au son d'étranges instruments ; aux musiciens de jazz, enfin, dont il s'est entiché à une époque où il était de très mauvais ton de s'intéresser à ces "voyous" ! 

 

Dans l'obligation de travailler très vite pour capter leurs gestes, le peintre a acquis un remarquable sens du mouvement. Pour accentuer et rendre plus aiguë la vie de ses personnages, Oleg Zinger se contente de silhouettes plaquées sur la toile ; têtes et corps ne sont alors que des masses, très vivantes, cependant, car réalisées à un rythme endiablé ! 

Ce travail est différent des figures hiératiques dans lesquelles excelle également l'artiste : longues têtes ovales au nez rectiligne, cous énormes, silhouettes lourdes, yeux très noirs sous le bonnet phrygien, corps alanguis sur la plage… Là, le peintre travaille tout près de la toile, fignolant à petits coups de pinceau le grain de la peau ou les cheveux plaqués au crâne. Une foule de détails atteste alors de l'application gourmande avec laquelle il croque tel groupe de joyeux lurons ou tel coin de désert ! 

 

Deux démarches qui pourraient paraître antithétiques, mais ne sont en fait que des variations en teintes douces d'un même thème ; une même maîtrise grâce à laquelle l'artiste transmet son amour de la vie, son humour et sa bonhomie, la gentillesse avec laquelle il considère ses semblables, humains ou animaux ! 

Jeanine RIVAIS

 

CE TEXTE A ETE ECRIT EN 1994.