En 1992, lors du Salon annuel de Ville-di-Paraso, une sculpture de Pierre Bosdure attirait fortement l'attention des visiteurs. Réalisée en matériaux spécifiquement corses, elle contenait toute la symbolique de l'évolution du monde. Conçue comme une constellation, cette œuvre parlait des origines de l'Homme et de l'usure du temps. La science. Le travail. Et la Corse qui exerce sur ses artistes une si puissante fascination identitaire : encore et toujours la nostalgie, Filitosa, la mer et la terre… Tout cela est omniprésent dans chaque œuvre de "l'artisan insulaire" Pierre Bosdure. Invité en 1988 par la Chambre des métiers de Haute-Corse, il en a sculpté le logo, (frappé par l'Hôtel des Monnaies de Paris), et créé un motif sculptural à l'occasion de son dixième anniversaire. 

          Depuis, son talent n'a cessé de s'affirmer et l'une de ses réalisations, "Mémoire de l'Artisan", a été choisie en 1994 pour orner la couverture de la revue "Mausolée" qui lui consacre plusieurs pages. Mais ne voir en lui que le marbrier serait restrictif, car l'originalité, l'unicité, la perfection de ses sculptures, la réflexion longuement élaborée qu'il propose à leur sujet, font incontestablement de lui "l'artiste Pierre Bosdure". 

          Certes, sa volonté de n'employer pratiquement que des matériaux corses le fait souvent côtoyer les artistes locaux témoins de leur terroir, mais tout en restant fidèle à ses racines, son ouverture sur les problèmes mondiaux l'emmène plus généralement hors-les-rives. L'exceptionnelle beauté de ses œuvres arrête le passant de tous pays, le laisse rêveur, attendri peut-être, comme c'est le cas face à cette splendide crèche intitulée "L'espoir et la honte", présentée cette année au Festival international de Bastia : "L'Espoir parce que, commencée au lendemain de la signature du traité israélo-palestinien, elle se voulait comme lui, message de paix ; La Honte, à cause de la passivité de notre monde face au drame yougoslave si proche de nous et si loin dans nos cœurs". 

Une œuvre rendue puissante par les contrastes entre les marbres verde crezza et verde stella, entre onyx-châtaignier et granite marron-rouge, agate, corsite, améthyste, cristal de roche, albâtre… Et peut-être parce que la main de l'artiste a su rendre chaleureuses des pierres froides par définition, une œuvre -comme toutes les créations de Pierre Bosdure- à très forte résonance psychologique ; outre l'engagement politique impliqué par le titre ; cette scène ne remémore -t-elle pas à chacun, croyant ou mécréant, le temps de son enfance où, dans un coin sombre de la plus belle cathédrale ou de la plus modeste chapelle, l'ange en plâtre secouait la tête quand on lui donnait un sou ? 

Jeanine RIVAIS