EMIL HANSEN dit EMIL NOLDE (7 août 1867-13 avril 1956)

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EMIL NOLDE, L’EXTREMISTE DE LA COULEUR.

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Emil Hansen naît dans le village allemand de Nolde. Ses parents sont paysans. Dès sa petite enfance, il passe son temps à couvrir les portes de granges de dessins à la craie. Néanmoins, cette hérédité paysanne aura une grande influence sur son œuvre. Ainsi que la Bible, que ce fils de protestants rigoristes lit souvent, et dont les illustrations jalonneront la carrière.

                Il est vite évident qu’Emil n’est pas fait pour être paysan. Il devient apprenti ébéniste. En 1888, il visite Karlsruhe, Munich, Berlin travaillant pour payer son séjour. Puis, bien qu’autodidacte, il enseigne le dessin à Saint-Gall (Suisse). Il étudie la perspective, l’anatomie. Il est passionné d’escalade en montagne, réalise des cartes postales de paysages dont la vente lui permet de voyager en Italie, et en 1899, de se rendre à Paris où il fréquente l’Académie Julian. Il étudie les oeuvres des Impressionnistes, qui influenceront sa conception de la peinture. En 1901, il découvre les œuvres de Munch, épouse Ada Villstrup en 1902, se construit un atelier en bord de mer et commence vraiment à peindre. Il prend alors le pseudonyme d’EMIL NOLDE, en hommage à son village. Mais les problèmes financiers s’accumulent, accrus par la mauvaise santé d’Ada. Le couple s’installe dans l’île d’Alsen. Nolde déclare : « J’avais un nombre infini de visions à cette époque-là. Car, où que je tourne mes yeux, la nature, le ciel, les nuages étaient vivants. En chaque pierre, et dans les branches de chaque arbre, partout, des images bougeaient et vivaient leur vie à la fois tranquille et sauvagement animée. Elles éveillaient mon enthousiasme et me tourmentaient en voulant que je les peigne...»

Dès 1906, il commence à exposer sa peinture à thématique campagnarde, exécutée en une pâte épaisse, de couleurs vives, avec une gestuelle rapide, qui enthousiasme les jeunes artistes du mouvement expressionniste «Die Brücke ». Mais Nolde est un solitaire, émotif et passionné. En 1907, il quitte Die Brücke. Ses bois gravés « Captifs », « La Princesse et le mendiant » expriment spontanément son goût des fantaisies cauche­mardesques, parfois morbides, au cerne épais, caricatural, et demeurent intimement liés à son œuvre peint.

1910 : il s’installe à Berlin. La vie citadine et nocturne lui inspire de nombreux tableaux. En même temps, une spiritualité déchirée anime de grandes compositions religieuses employant la même technique de couleurs pures : « Les Vierges folles et Vierges sages » (1911), « La Vie du Christ » (1912), dont la matière dense, irrégulière et rugueuse répond à la rudesse des formes, tandis que des tons chauds contrastés valorisent la ligne tourmentée. Il se passionne pour l'art primitif. 

Nolde commence à être connu. Il devient une figure polémique du monde de l’art. Néanmoins, ses toiles sont refusées par la Sécession Berlinoise dont il est expulsé. Il participe alors à la création de la Nouvelle Sécession, qui devient le point de ralliement de l’avant-garde expressionniste allemande.

 

 

En 1913, pour des raisons qui restent mystérieuses, l’Office Colonial Allemand le charge, lors d’une expédition dans les territoires germaniques du Pacifique Sud, via la Russie et la Chine, de rechercher les caractéristiques raciales de chaque population. A son retour de Polynésie, le peintre tente, un peu à la manière de Gauguin, mais en insistant sur la composante diabolique des cultures indigènes, de retrouver la sensualité primitive : C’est l’époque des « Figures de bois et masques », « Trophées des sauvages »... (1913), « Mer de Chine » (1915).

Sa réputation grandit. En 1927, son soixantième anniversaire est célébré par une exposition officielle à Dresde. Il devient membre de l’Académie Prussienne des Beaux-Arts, Président de l’Académie nationale des Arts de Berlin ; et l’un des maîtres incontestés de l’Expressionnisme.

Malgré l’évidence, Nolde pense qu’il n’a rien à craindre de la campagne des Nazis contre l’Expressionnisme. Mais il perd ses illusions quand, en 1937, ses œuvres sont incluses dans l’Exposition de l’Art dégénéré de Munich. 1052 de ses œuvres sont retirées des musées allemands. Plusieurs centaines sont brûlées, et les festivités de son soixante-dixième anniversaire sont annulées. Mais le pire reste à venir : En 1941, il lui est interdit de continuer à peindre.  

Il quitte alors Berlin, et commence la série de ce qu’il a appelé « les peintures non peintes », des centaines de petites aquarelles qu’il dissimule dans sa maison. Une fois la guerre terminée, il retrouve son prestige et de nombreuses expositions sont organisées pour lui. Jusqu’à sa mort, en 1956, à l’âge de 88 ans, il continue à peindre, créant des peintures à l’huile à partir des aquarelles qu’il avait réalisées pendant ses années de persécutions.

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Pour la première fois en France, une manifestation très importante rend hommage à Emil Nolde. Cette exposition présentée au Grand Palais à Paris réunit 90 peintures et 70 aquarelles, gravures et dessins. Cet ensemble est présenté chronologiquement en 10 sections thématiques :

La Montagne enchantée : Ce cycle lui est inspiré par son séjour en Suisse. Incompris, son premier tableau, « Les géants de la montagne », illustre, avec l’assemblée de trolls trinquant dans une lumière vacillante, le sens du grotesque, du mystérieux de ce campagnard nourri de légendes.  

Un pays : sa terre natale : les habitants, pris dans leur attitudes quotidiennes, les marines, les portraits intimes, les couples, les paysages, les visions mystérieuses éclatent, appliqués en touches larges et grasses. Ces années sont traversées par l’influence de l’école danoise, et de Van Gogh. La lumière est devenue une présence, qui environne personnages et paysages.

Années de combat : Elles couvrent la période difficile de 1902 à 1912. Nolde ne jouit même pas d’un succès d’estime. Avec la reconnaissance de Die Brücke, il plonge dans des « tempêtes de couleurs ». 1906-1907, un nouveau sujet apparaît : le jardin. La perspective cède le pas devant la couleur. Nolde, comme en témoigne « Esprit libre », tableau à valeur de manifeste, reste l’inflexible, le courageux, le déterminé à poursuivre une voie indépendante : les années d’isolement reviennent, avec les combats de 1910-1911 pour faire reconnaître la jeune école allemande.

Tableaux de Bibles et de légendes : La production de Nolde est capitale dans son évolution et celle de l’art du XXe siècle. « Lumière magique », « A la barrière verte » illustrent sa spiritualité personnelle. Les religions archaïques sont évoquées avec « La danse des bougies ». Mais la date fondatrice de cette période est 1909 au cours de laquelle il réalise « La Cène », « La dérision du Christ » et « La Pentecôte ». Ces tableaux se heurtent partout à des refus. Et lorsqu’un collectionneur lui organise une exposition dans une église, le tollé suscité préfigure les moqueries du public lors de l’Exposition de l’Art dégénéré.  

L’Oeuvre graphique : Les gravures de Nolde, très nombreuses, établissent sa réputation qui grandit rapidement. L’eau-forte, l’usage de la pointe sèche le conduisent à une précision nouvelle. Nolde atteint le sommet de son art avec les vues de Hambourg en 1910, où l’acuité du dessin et la richesse des textures traduisent l’ambiance mélancolique et ténébreuse du port. La lithographie lui permet de réintroduire la couleur dans cet univers noir et blanc. A partir de 1927, Nolde renonce à la gravure : A soixante ans, il veut se consacrer uniquement à la peinture.

Nuits de Berlin : Nolde s’installe à Berlin en 1889-1891, fasciné par le bouillonnement autour de la Sécession, mais malheureux : « Me revoilà en errance ici, écrit-il, tout me répugne. Cette mégalopole ! Personne n’est proche de mon cœur, je suis plus solitaire que jamais». Hiver 1910-1911, il mène le combat contre la Sécession ; réalise une série de tableaux et d’aquarelles intensément contrastés sur la vie nocturne berlinoise où joue violemment la lumière artificielle. Il abandonne bientôt ce thème, qui constitue un ensemble clos dans son œuvre.

Welt : L’intérêt d’Emil Nolde pour les arts primitifs génère un renouvellement des formes dont l’impact est beaucoup plus profond. Baigné de folklore paysan et familiarisé avec le travail du bois, il est sensible aux arts d’usage chamanique et aux productions populaires. Au cours de l’expédition scientifique évoquée plus haut, il multiplie les esquisses, les portraits à l’aquarelle, et les peintures parmi lesquelles « Forêt tropicale », « Soleil des tropiques », « Floraison de crocus »...

Heimat : Le titre du troisième tome de l’autobiographie de Nolde, Monde et patrie, [Welt und Heimat] résume le balancement du peintre entre le monde et sa région natale. Sa peinture en porte l’empreinte. Entre Nolde, le vent, les nuages, l’eau, l’osmose est totale.

« Phantasien » et « Images non peintes » : Hiver 1908, Nolde découvre les possibilités insoupçonnées de l’aquarelle : « La neige venait recouvrir les feuillets à demi ou entièrement achevés, si bien que je devais les chercher et que je découvrais avec étonnement la façon dont les couleurs s’étaient fixées comme par magie sous la neige». 1931-1935, il réalise les « Phantasien », monde intérieur peuplé de créatures inquiétantes. La couleur devient un chaos de taches. L’accueil détestable qui leur est fait préfigure la célèbre sentence d’Hitler, face aux aquarelles de Nolde : « Unmöglich », impossible.

Nolde a recours à l’aquarelle pour contourner l’interdiction de peindre imposée par le Reich : quatre années de souvenirs et d’univers intérieurs : « Cette nuit, écrit-il le 6 décembre 1941, je me suis promené des heures dans un paysage merveilleux, rempli de prodiges et de splendeurs. »

La mer : Plus qu’un sujet, la mer est une présence, génératrice d’émotions, alternant calme et déchaînement, auprès de laquelle le peintre puise son inspiration : « Souvent aussi je m’asseyais, (…), aux aguets, fixant une toile vide et blanche, jusqu’à ce que des figures, des « fantaisies », ou bien le ciel et les nuages … » La mer occupe une large place dans les écrits de Nolde, autant que dans sa conception « expressionniste » du paysage.

 

Une magnifique exposition bien organisée, présentée de façon très pédagogique. Qui permettra au grand public de découvrir une des figures de proue de l’Expressionnisme allemand ; et pour les connaisseurs de voir ou revoir des tableaux provenant du monde entier et illustrant la totalité de l’œuvre.

Jeanine Rivais