Résolument moderne, Insky de Souza Lage habite pourtant un château de la Renaissance entouré d'un parc dont les arbres centenaires "entrent" dans sa création artistique. Elle réalise ses photos avec un appareil très sophistiqué, les reproduit grâce aux derniers raffinements de la photocopie au laser. Néanmoins, la facture rétro de ses tableaux leur donne l'air d'être issus de greniers-mêmes du château dans lequel ils sont conçus. Car, philosophe, elle opte pour le coté éternel de la nature, la poésie, l'onirisme, la quête d'un univers en parfaite harmonie.

          Et c'est bien l’harmonie qui est à la base de son œuvre surprenante, douce et forte à la fois. Elle l'élabore telle une magicienne qui, lentement, composerait un philtre magique; et, pour être "terminé", chaque tableau doit témoigner du parfait équilibre entre le rêve, la poésie, l'intemporalité qui lui sont chers.

          Au cours de ses voyages, Insky de Souza Lage a photographié des paysages, des monuments, des joies, des peines, tout cela trop net, trop dur ! Pour adoucir ces lignes, ces teintes violentes, elle s'est mise à produire des surimpressions... Peu à peu, les détails, les couleurs s'estompent. Ce procédé lui permet de conjurer, combiner autant d'éléments qu'elle le désire, rapproche des arbres de son parc, une statue des antipodes... découper, ajouter, rendre flou, déformer à travers un kaléidoscope... jusqu'à ce qu'au terme de multiples va-et-vient laboratoire/atelier, la "photo" lui convienne. Elément essentiel, le hasard intervient dans cette élaboration, car il est impossible de dominer totalement toutes ces combinaisons. Insky de Souza Lage en tient compte, en joue, et porte le résultat à la photocopie. Nouvelle intervention de la technique, car la matité provoquée par le laser change encore les données ! Et nouvelle phase de création: Trouver dans ce foisonnement de papier les éléments qui permettront finalement à l'artiste de réaliser une composition structurée, de choisir les "accidents" qui personnaliseront son tableau, réaliseront l'équilibre, l'harmonie auxquels elle aspire: Tâche longue, ingrate, les combinaisons possibles étant multiples, puisque le nombre d'éléments qui cohabitent peut varier de 10 à 50, voire plus !

          Alors, collages? Non, car grâce à une pâte "spéciale" (quelle magicienne livrerait les secrets de son philtre ?), l'artiste opère sur la toile un véritable transfert des parties retenues ! Avec des encres, des peintures à l'huile, elle "lie" l'ensemble, souligne ou ombre à son gré tel détail, protège finalement le tout par une double couche de vernis brillant et satiné qui réagissent différemment suivant l'épaisseur et la nature des sous-couches.

 

          Vraiment, il s'agit bien là bien là d'une création originale: le côté magique de la trouvaille accidentelle, le jeu des possibilités saisies par la fantaisie de l'artiste, sa personnalité, garantissant l'unicité du tableau. Et ce lent gommage de la réalité confère aux créations d'Insky de Souza Lage, un aspect suranné, un peu grave et mélancolique, un univers poétisé où rien ne saurait la heurter.

Jeanine RIVAIS

 

CE TEXTE A ETE ECRIT EN 1996 ET PUBLIE DANS LE N° 17 DE JANVIERMARS 1996 DE LA REVUE FEMMES ARTISTES INTERNATIONAL