Quel enfant de douze ans, détenteur de l’appareil le plus ordinaire, n’a pas photographié le chat de sa tante ou les cascades du Bois de Vincennes ? Jean-Baptiste Guyot n’a pas failli à la règle et, rétrospectivement, montre l’animal étalé à la limite de l’ombre ; la chute d’eau scintillante sous le soleil ! Tout de même, bien que banales, ses photos d’enfant sont très construites et les contrastes laissent déjà pressentir “l’œil” qui, en une quinzaine d’années, d’amateur est devenu professionnel.   

         Sélectif, également, car tout élément “vivant” générateur de lignes douces, mobiles, a été éliminé : le photographe ne s’intéresse qu’aux “natures mortes” qui autorisent des traits incisifs, des compositions rigoureuses. Encore, ce terme est-il trop large pour définir les sujets de Jean-Baptiste Guyot ; car il ne fixe sur sa pellicule, que des fragments des lieux ou des objets qui ont arrêté son regard : le drapé d’une jupe de statue ; quelques ardoises d’un toit ; l’oblique créée par les dames de nage de barques côte à côte au repos... Ne retiennent instinctivement son choix que les détails situés au niveau des yeux ; ce qu’un simple coup d’œil, en fait, peut capter. Entrent en jeu les rythmes répétitifs, les rappels de lignes, de pointes, les contrastes entre zones claire et sombre, un velouté qui subsiste dans l’objectif, un reflet qui vibre dans une symétrie. L’artiste se décide alors à photographier la scène, la cadrer soigneusement, en extraire la quintessence parce qu’il ne la retouchera pas, il la gardera telle que ses premiers soins l’auront créée.       

       Cette démarche par laquelle Jean-Baptiste Guyot se place en retrait de maintes possibilités offertes par la technique contemporaine, le met en paix avec lui-même en corroborant la rigueur de son tempérament scientifique. Elle l’a bien sûr amené du pittoresque à la sobriété, du fatras à la pureté des lignes, du joli au beau, bref à l’esthétisme dépouillé. Elle provoque également une évolution vers l’abstraction, tel détail isolé ne conservant pas forcément la connotation figurative de l’ensemble dont il est extrait. Ce faisant, l’artiste oblige le spectateur à se débarrasser du sujet, avancer avec lui vers une autre étape, celle où il peut dire, au terme de sa réflexion technico-subjective, non pas “voilà des barques”, mais “voilà des rythmes qui me posent problème”. Dans le même temps, il fait fi des couleurs vives, traite ses photographies dans des ocres bruns ou des gris bleutés dont les teintes douces lui permettent d’atténuer la rigueur géométrique des cadrages ; et se dispense généralement de leur donner des titres, de peur de disperser l’intérêt ou de provoquer des redondances !   

         Pareille sélectivité implique une “différence” : Jean-Baptiste Guyot traverse ses voyages les mains dans les poches, aux moments où les “bons touristes” mitraillent à qui mieux mieux. Mais il tombe en arrêt devant le détail qui a laissé les autres de glace : c’est une façon très particulière de voyager “autrement” qui se retrouve sur les cimaises des galeries où il présente ses œuvres.

Jeanine RIVAIS

 

Détails techniques : Jean-Baptiste Guyot utilise un appareil Minolta X700. Il ne photographie qu’en diapositives, et ne se sert jamais de flash.

CE TEXTE A ETE ECRIT EN 2001.