CHRISTOPHE CARTIER, peintre, dessinateur et photographe

"La lumière comme présence"

Peintures 2007-2012

A l'automne 2012, le musée Paul Delouvrier d'Evry présente des peintures de CHRISTOPHE CARTIER dont "l'œuvre nous emmène dans une sorte d'immersion vertigineuse de couleurs, là où toutes formes s'estompent progressivement pour laisser la place à ce kaléidoscope enchanteur ; monde onirique et mystérieux, sorte de champs aux mille corolles…"(²) Parmi ses plus de vingt toiles, un triptyque intitulé "Nymphéas" situe d'emblée l'intérêt de l'artiste pour Monet, étant entendu que "le Monet qui intéresse Cartier se préoccupait moins de représenter des fleurs aquatiques que de rendre, selon son expression, "la beauté de l’air"…(²)

            Les œuvres, sans titre ou intitulées "Soleil" ou "Soleil couchant" témoignent de la préoccupation récurrente du peintre pour rendre les impressions correspondantes, même s'il est bon de savoir que certains tableaux ont été titrés une fois terminés, précisant que l'artiste ne se préoccupe pas de réalisme, mais vise à créer des impressions fortes, bien qu'évanescentes.

 

            Ayant œuvré depuis plus d'un quart de siècle, Christophe Cartier a acquis une technique tellement puissante, que l'ensemble de sa création est une véritable poésie de la couleur. Car il use sans limite de la liberté, voyageant picturalement vers des sphères où règnent la plus grande fantasmagorie, le plus complet onirisme. Boulimique, pourrait-on dire, d’exprimer ce qui bouillonne en lui, menant plusieurs "aventures" à la fois, passant de l’une à l’autre comme si l’histoire de l’une corroborait, affirmait, complétait… celle de l’autre qui au fond, est la même…. Comme pris de frénésie de remplir l’espace qu’il sélectionne. Et, si à première vue, le travail de Christophe Cartier se veut abstrait à force de surabondance de matière, se dégagent bientôt dans les multiples enchevêtrements et les profondeurs de ce maelström, des formes évocatrices : strates de terrains antédiluviens ; îlots protéiformes et polychromes ; branches feuillues… Chaque tableau devient une sorte de granité comparable à une plage dont le sable serait, par parties, demeuré humide ; tandis qu'à d'autres, s'étalent de très irrégulières plaques de mousse ; ou encore d'aléatoires coulures, tantôt translucides, tantôt huileuses !… Sans être pourtant jamais réalistes. Parfois même, à peine émergés de cette sorte de magma. Tout cela, bien sûr, au gré de l'imagination du visiteur. Car tel n'est pas le propos de l'artiste qui n'est que de jeux de formes, de profondeurs ou de superficialités.

Et de lumière (s). Née(s) du fait des complexes alchimies qu'il confie à la toile : comme si, en arrière-plan de son esprit, flottait perpétuellement l'envie de créer ce magma évoqué plus haut : Il superpose, pour ce faire, épaisseurs sur épaisseurs de peinture et de pastels peut-être, les appose, les enchevêtre longuement à grandes traînées du pinceau, à multiples embrouillaminis de la main, afin de créer des espaces harmonieux ou conflictuels. Ici, encore trempés, ils vont se mêler en flaques informelles ; là, telle couleur va faire vibrer les autres ; des jaunes, des orangés s'incorporent aux bleus, des roses se collent aux verts… D'ajout en ajout, de geste en geste, l'artiste en vient, à force de superpositions irrégulières de sous-couches, à une véritable gangue lourde et chaleureuse, légère et passionnée, brillante, mate… Aucun élément volontaire de décor. Il semble que la main vienne d'elle-même fouir ces formes et ces couleurs préalables ; compose à petites touches incertaines ici un soleil couchant, dans toute la gloire d'un rayonnement centré sur lui-même, tandis que l'environnement demeure dans des pénombres savamment supputées. De sorte qu'à la "fin" (mais ce mot convient-il bien ?), l'œuvre semble un écrin hermétiquement clos où les formes subjectives présentes (?) dans ce "non-lieu", transparaissent à la fois dans et sur le magma.

 

Impressionnant de savoir-faire, Christophe Cartier n'est pas seulement un excellent peintre, mais un artiste sensible et imaginatif, ce qui rend son œuvre si rémanente qu'elle demeure dans l'esprit du spectateur longtemps après qu'il l'ait quittée.

                                                           Jeanine Smolec-Rivais

 

 

(²) Extrait de la préface de Michel de la Patellière. dans le catalogue.

 

CE TEXTE A ETE PUBLIE DANS LE N° 68 DE LA REVUE DE LA CRITIQUE PARISIENNE.