D'origine tchécoslovaque, Sano vit en France depuis dix-huit ans. Il produit une œuvre figurative extrêmement colorée. A la Nouvelle-Figuration dont il revendique la filiation, il a certainement emprunté le côté pseudo-photographique et violent de son travail. Du moins de la tendance "réaliste", car une partie de son œuvre, inspirée de la science-fiction, contient beaucoup moins de vitriol ! Néanmoins, dans son esprit, aucun hiatus ne sépare les deux orientations et, quand il s'ennuie ou est à court de créativité dans l'une, l'autre lui redonne sa concentration défaillante.

        Beaucoup plus provocante, d'une précision un peu cruelle, est l'œuvre "réaliste" dans laquelle Sano retrouve ses origines : Aux icônes, il emprunte la linéarisation de ses personnages, des femmes surtout, dont chaque détail anatomique est tracé, calligraphié, comme avec une plume d'autrefois. Et de leurs détails anatomiques, Sano n'est certes pas chiche ; elles ne sont jamais nues, mais leurs déshabillés, leurs sous-vêtements en dentelle et leurs bas à jarretelles, laissent voir ici un nombril, là un sexe, ailleurs une plantureuse paire de seins : hétaïres allongées sur des canapés ; en conversation dans une prairie ; un poudrier à la main pour maquiller leurs bouches lippues ; laissant percer par les fentes de leur loup des yeux souvent vairons, toujours plein d'insolence et de provocation. Et, réminiscences d'un folklore lui-même haut en couleurs, des fleurs… un peu incongrues au milieu de ces mains dodues, de ces ventres généreux!... 

Dans cette série, le pinceau travaille "autrement" : petites touches ton sur ton juxtaposées, légers ajouts de noirs faisant vibrer un velours, de rouges faisant briller une pommette… de parmes galonnant le trait noir qui délimite chaque "élément" physique de ces personnages. 

Car il semble bien, finalement, que chez Sano, ce besoin de tout "cerner" relève de l'obsession ; n'est-il pas, pour le satisfaire, en train de mettre au point une technique de gravure où il découpe intégralement dans le métal, un ventre, une jambe, etc. qu'il posera ensuite côte à côte, afin d'être sût que les traits qu'il incrustera dans le support, seront absolument nets… ?

Jeanine RIVAIS

 

CE TEXTE A ETE ECRIT EN 1994.