TAPISSERIES ET PEINTURES DE JOHAN ARPAD
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Qu’est-ce qui amène un peintre -dont la définition est supposée être liberté, fantaisie... - à se lancer dans la tapisserie dont les contraintes techniques l’obligeront, quelle que soit sa démarche originelle, à changer d’état d’esprit, s’introduire dans un véritable carcan ?
Peut-être est-ce justement ce carcan qui a tenté Johan Arpad ? Le plaisir d’une création où les mains, obéissant à des schémas préalables très directifs, ont la primauté sur la réflexion ? D’autant que la plupart de ses réalisations, abstraites, ne jouent que sur les formes, les rythmes de couleurs très belles d’ailleurs, les complémentarités de tons. Que -volontairement ou inconsciemment- lorsqu’il s’en va vers des matrices plus figuratives, vers des corps de femmes qu’il semble affectionner, ceux-ci ne sont que stylisés, simplifiés en quelques lignes essentielles ; et raides des futures exigences du métier à tisser !
Malgré cela, les positions lascives qu’il donne à ses “académies”, tributaires de cette nécessité d’être direct, s’échappent parfois en des anticipations d’autres formes : le corps humain se ramifie, donne naissance à des “arbres”... comme si l’artiste, soudain, se sentait un peu prisonnier...
Cette velléité de se libérer est-elle réelle, ou subjective de la part du spectateur ? Toujours est-il que les peintures de Johan Arpad, dans lesquelles il explore également le corps féminin dans toutes ses variantes gymniques, bien que plus libres sur la toile, se ressentent de la démarche du lissier : lignes à peine esquissées, fondues tons sur tons de beiges pâles, assez abstraites pour n’y trouver que rythmes et couleurs ; assez concrètes pour que le visiteur ait envie d’y rechercher des formes ! S’y ajoutent parfois des impressions de reliefs qui créent un peu de vie dans ces contextes figés ; des silhouettes plus fluides par opposition à d’autres à peine suggérées, au point que l’œil ne les repère qu’après avoir exploré diverses possibilités et incertitudes formelles !
Pourtant, dans une autre pièce, comme reléguée hors atelier, Johan Arpad a installé une toile immense, plus ancienne, constituée de rythmes incontrôlés mais accusés, d’enchevêtrements suggestifs, de corps possibles enfouis dans un magma vibrant de toutes les nuances de verts glauques, d’entrelacs de brun clair cheminant parmi des noirs très riches : Comment, en la voyant si vagabonde et si chaleureuse, imaginer qu’elle soit l’oeuvre du même artiste que celles accrochées intra-muros ? Ne faut-il pas, alors, tout en regrettant son unicité, la considérer comme un moment à part, un large éclat de rire dans une création tellement structurée ; une grande bouffée de liberté dans un univers trop sage ?
J.R.
CE TEXTE A ETE ECRIT A LA FIN DES ANNEES 90.