Laurence Bessas est sculpteur : ses oeuvres plutôt petites sont des groupes travaillés en ronde-bosse, de personnages pas tout à fait figuratifs, aux courbes pulpeuses très harmonieuses. Les pieds absents, les jambes soudées se rejoignent, montent vers les corps agglutinés, de sorte que chaque groupe a la forme d’une corolle de fleur ! Sculptés spontanément, sans études préliminaires, ces corps statiques frôlent souvent l’abstraction, les rythmes des courbures sans aucun angle dur, suggèrent plutôt qu’ils ne montrent. 

         Cette recherche formelle, laissée à l’état d’ébauche, est éminemment poétique... jusqu’au moment où la créatrice, prise de panique à l’idée que le spectateur pourrait la croire incapable de “sculpter vrai”, reprend l’oeuvre, creuse de nouveau les volumes... Emergent alors des membres et des mains, des seins ou des visages, sans ambiguïté. De sorte que dans chaque oeuvre terminée, “déborde” un personnage dont le réalisme rompt le charme, l’harmonie et la souplesse du groupe, fait “bande à part” comme s’il n’en était pas partie intégrante !

         Cette angoisse du non-savoir entraîne la sculptrice vers des moulages de pierre, dans lesquels s’enlacent des couples aux anatomies précises, pour lesquels l’artiste marque une prédilection, bien qu’ils soient tellement plus des “exercices de style” que ses délicates créations semi-abstraites, aux élégants profils !

 

        Dans son oeuvre peint, le parcours de Laurence Bessas est semblable : Avec un grand sens des couleurs douces et des rapprochements harmonieux, elle combine des “ambiances” informelles, sur lesquelles elle fait vibrer la lumière ; se laisse entraîner périodiquement vers des géométries imprécises dans lesquelles apparaissent des silhouettes de corps, de visages inachevés, comme involontairement créés. Mais là encore, à partir du moment où elle a conscience qu’ils “arrivent”, elle les renforce un peu...

        De sorte que devant les deux expressions picturales de Laurence Bessas, le visiteur reste un peu sur sa faim, lui qui aimerait se laisser emporter par les fantasmes les plus fous, les fantaisies les plus vertigineuses : dans un monde suffisamment abstrait pour refuser à cette peinture toute fonction de représentation ; éventuellement un monde où serait composé un espace géométrisé dont les accords de rythmes seraient comparables à ceux que, dans le temps, organise la musique ! Ou au contraire, contempler des oeuvres assez figuratives pour rendre tangibles les formes du monde visible... Pourquoi pas un univers porteur de formes nouvelles contestataires... En tout cas, un monde qui se connaîtrait !

        Mais en s’accrochant à son passé d’acquis estudiantins ; en ajoutant aux doutes personnels propres à tout artiste -et elle en a l’étoffe- ses craintes du qu’en dira-t-on, Laurence Bessas se refuse le plaisir d’une création libre, d’un grand envol libérateur et de ce fait forcément convaincant.

Jeanine RIVAIS 

 

CE TEXTE A ETE ECRIT EN 1997 LORS D'UNE EXPOSITION A L'UDAC PARIS. 

Depuis, l'artiste a évolué. Ses sculptures ont grandi, sont devenues beaucoup plus géométriques, souvent à la limite de l'abstraction. En somme, elle a découvert l'angle droit !