LES FEUX DE L'ORCHIDEE

DE RIKKI DUCORNET

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Les Ducornet sont un couple, et quel couple !!

L'épouse, RIKKI DUCORNET, romancière américaine, met en scène deux protagonistes français, les Bergerac père et fils, descendants de Savinien de Bergerac, dont "la maison ancestrale fut bâtie rue Monsecret, à Angers".

Le mari, GUY DUCORNET, Français, traduit dans notre langue, le roman américain de sa femme. Peintre (membre du mouvement "Phases"), poète, il partage son temps entre son atelier du Val-de-Loire et l'enseignement de la littérature française et des Beaux-arts aux Etats-Unis et au Canada. Il a publié un livre décrivant les heurs et malheurs du Surréalisme dans le Nouveau Monde.

 

          Ce qui est étrange, dans "LES FEUX DE L'ORCHIDEE" de Rikki Ducornet, c'est qu'il soit écrit par une femme ! Qu'il raconte une histoire d'hommes ! Que chaque homme y dise "je" et parle avec tant de violence et de vivacité qu'au bout de trois pages, le lecteur oublie totalement le sexe de l'auteure. 

          Chapitre après chapitre, Le père Lamprias de Bergerac, orchidologue et humaniste "à la recherche de la pierre philosophale végétale", raconte ses aventures sexuello-sentimentalo-socio-orchidologistes à travers la forêt amazonienne. Il y traque la fleur merveilleuse, d'abord seul ou plutôt épisodiquement distrait par une floppée d'aventuriers et de prostituées, jusqu'au moment où, d'une rencontre fortuite, naît son amour démesuré pour une jeune indigène, "la plus belle de ses orchidées, Cûcla". S'y ajoutent, sur le ton de la condescendance apitoyée, de l'indulgence amusée, nées de son expérience de la vie, des remarques sur son fils légitime Septimus, son fils bâtard Chên-Yen -Homme vrai-, son épouse frigide Virginie de Fourtou, sa concubine chinoise Poussière, mère de Chên-Yen. 

          Chapitre après chapitre, imbriqués dans les précédents, le fils Septimus de Bergerac, vulgaire, grossier, déverse la haine psychotique qu'il éprouve pour son père, sa haine et sa jalousie morbide pour son demi-frère dont même le crâne guillotiné trônant sur son bureau, ne peut calmer sa folie meurtrière. Il manifeste à l'égard de sa mère ses invraisemblables débordements œdipiens, exprime son admiration sans borne pour les Nazis à qui il dénonce avec la plus intense jubilation les amis de son père, se donnant la jouissance de les torturer lui-même. A la fin de la guerre, il est "obligé" de s'expatrier en Amérique du Sud. Il mourra finalement aux Etats-Unis, le corps aussi pourri que l'âme, tout près du lieu de vie de son père et Cûcla, après avoir essayé de les faire emprisonner par les Maccarthystes. 

 

Un livre d'amour et de haine, extrêmement violent, fascinant, truculent, macabre et jubilatoire, dans lequel l'imagination créatrice et la "présence" littéraire de Rikki Ducornet changent agréablement le lecteur du "néant" médiatique si florissant chaque fin d'année.

Jeanine RIVAIS

"Les feux de l'orchidée" de Rikki Ducornet : Editions Deleatur Angers. 1993.