LAURENT DANCHIN : “L’ART CONTEMPORAIN ET APRES...”

 

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    Laurent Danchin voit rouge chaque fois que quelqu’un emploie péjorativement  “...et compagnie" , alors qu’il affirme ne pas lui avoir donné cette connotation dans "Art brut et compagnie”,  titre qu’il avait choisi pour une série d’émissions radiophoniques ! La même mésaventure risque de se produire à propos de “et après..." qui suit “l’Art contemporain" dans le titre de son récent ouvrage : Faut-il, en effet, considérer cet “et après...” comme une interrogation sur les possibles déroulements picturaux ultérieurs à la vague de création actuelle, produite par quelques artistes hyper-protégés, dans un système culturel basé sur les privilèges ? Aucun point d’interrogation ne permet d’en venir à cette conclusion. Faut-il comprendre cet “et après..." comme un défi, au sens de “quelle importance ! Qu’est-ce que cela peut faire !” Aucun point d’exclamation n’apporte non plus d’éclaircissement en ce sens. Les trois points de suspension ouvrent donc le champ à toutes expectatives --d’autant que les textes qui suivent, bien que datés de quelques années, traitent de sujets tout à fait contemporains, sans essayer de jouer les devins et d’anticiper sur d’éventuels... après ! Il semble donc  bien  que cette fois encore, l’auteur devra tolérer les interprétations les plus libres !

 

Les aléas du titre réglés, le contenu de l’ouvrage risque de provoquer des grincements de dents de bien des lecteurs (parmi les partisans de... l’Art contemporain, évidemment !). Car il met en cause un système remontant à plusieurs décennies, de favoritismes ministériels et galéristiques. Une expression, "Le Tiers-Etat de la culture” semble d’ailleurs particulièrement juste pour désigner la situation actuelle de l’art en France. Situation apparemment unique ! -hélas ! par ce qu’elle implique de malhonnêteté intellectuelle et d’injustice à l’égard de la majorité des créateurs évincés de l’orbe du pouvoir, sans même le critère du talent. Tant mieux si l’on peut en déduire que les autres pays ne sont pas affligés d’un tel ostracisme !- : une classe “sociale” minoritaire  -très minoritaire-, privilégiée, soutenue, exposée dans tous les lieux prestigieux, bénéficiant dans les pages culturelles des grands médias (journaux et télévisions qui se sont bien gardés de prendre leurs distances par rapport au système) de critiques toujours laudatives. Une création tellement intellectualisée (ce qui pourrait ne pas être un défaut si cet intellectualisation ne s’était doublée d’une totale stérilisation, d’une absence complète de l’artiste “derrière” sa création) qu’elle a dû s’adjoindre d’interminables textes discourant à l’infini pour “essayer” de la rendre compréhensible ; ressassant la génialité de telles élucubrations qui ne sont pourtant que de non-sens ; remplaçant le savoir-faire de naguère par un dire ou un lire abscons... ; assez (sous couvert toutefois des “ismes” et des “els” de tous les minimalismes et autres conceptuels...)  esthétiquement non-engagée pour se maintenir aux avant-postes des favoris au gré des ministères, sans distinction d’étiquette politique (les ministres passent, les bien-en-cour demeurent !)

Pourtant, nul ne peut ignorer leur responsabilité dans la médiocrité psychologique, sociologique, esthétique de leurs productions et de l’image grotesque qu’ils donnent de la France ! Ni la désaffection subséquente des musées et galeries,  qui s’est accrue au fil des années ! Ni même le rôle que ces gens-là ont joué dans le désintérêt du public, voire dans la crise de l’Art contemporain ! Mais, impavide, l’Etat veille et continue de jouer les fontaines de Jouvence ; de s’engager intellectuellement sur ces incontournables-indéracinables.

Dans le même temps, face à "cet art autoproclamé Art contemporain", grouille une foule multiforme, créative, dynamique, imaginative, proposant une “diversité foisonnante et anarchisante de création réelle”, d’une grande contemporanéité. Mais celle-ci est ignorée, méprisée, au point de n’être même pas incluse dans le sacro-saint label “Art contemporain”. 

Le livre de Laurent Danchin a le mérite de résumer clairement les aberrations d’une telle situation ; de sérier avec beaucoup de pédagogie les problèmes et les implications de cet état de fait ; et d’apporter à chacune de ses assertions, la “preuve” de ce qu’il avance.

  Il évoque ensuite  les “crises” et disputes survenues entre les revues qui font la pluie et le beau temps sur le marché de l’art et de la critique ; et participent de cette exception française ("Krisis", "Art-press", Dagen, Baudrillard, Clair, Michaud, etc.). L’auteur pose finalement la question, conséquence à la fois de leurs querelles volant souvent au-dessous de la ceinture, de la main-basse qu’ils ont faite sur les finances et les influences nationales, et des complicités qu’ils ont bouclées avec les responsables : “Est-il légitime ou abusif qu’il existe aujourd’hui un art officiel en France ?"  La réponse ne va-t-elle pas de soi !?

En contrepartie, les derniers chapitres du livre explorent les origines, les destinées de ces arts marginaux “évincés” ; créations faites d’ “obsessions primitives, hantises ou assurances fondamentales, fixations émotives, images archétypiques..." qui, lentement mais sûrement sont en train de s’implanter dans l’horizon pictural français, malgré les indifférences officielles.

Enfin, le dernier chapitre est consacré au terme “Art brut”. Il analyse ce que ce mot avait originellement d’exceptionnel lorsque Jean Dubuffet l’“inventa” ; l’ “eurêka” de la peinture, en somme ! Et les limites qui lui sont ultérieurement apparues, avec l’évolution et l’élargissement des mouvances singulières.

Un livre polémique, affirmant sans ambiguïté ce qu’il aime ou déteste. Et tente honnêtement d’éclairer “la face cachée de l’Art contemporain". A lire absolument.

Jeanine RIVAIS

 

LAURENT DANCHIN : L’Art contemporain et après...”. Phénix éditions. 13, rue Chapon. 75013. PARIS.15 €.

       

CE TEXTE, "L'ART CONTEMPORAIN ET APRES..." A ETE ECRIT EN 1999 ET PUBLIE DANS LE N° 66 DE JANVIER 2000  DU "BULLETIN DE L'ASSOCIATION LES AMIS DE FRANCOIS OZENDA".

 

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