LA CHASSE AUX PAPILLONS DE JEAN-LUC TASTEVIN

Lorsque son envie, son goût tournent à l'obsession, le monde de Jean-Luc Tastevin se peuple de papillons. Là commence l'impossible défi : Qui dit papillon, pense à un être aérien, léger, fin, aux ailes délicatement tachetées. Les papillons de cet artiste sont monolithiques, pesants, raides, arrimés au sol par de puissants empattements.

Pourtant, à l'évidence, il se veut réaliste, respectant minutieusement sur "son" insecte, les courbes de celui qu'il a en tête ; martelant les ailes pour y créer brillances et matités… Mais les découpes sont dépourvues de dentelures ; les corselets sont roidement tubulaires ; les antennes immobiles ; et les taches éthérées représentées par de lourdes clefs plates, pinces, etc.

En somme, tout semble paradoxal dans le monde de Jean-Luc Tastevin : Peut-on penser que cette lutte contre la matière est sa façon d'exprimer ce qui dort en chacun : le désir de voler (paradoxe accentué par son choix de travailler le métal qui, par définition, l'empêchera de réaliser son souhait) ? Et, dans les multiples possibilités liées à ce désir, pourrait-il s'agir consciemment ou non de l'illustration de l'impossible aventure d'Icare, cloué au sol, mais rêvant jusqu'au fantasme de s'envoler ? De la quête fébrile de l'entomologiste tentant non plus de découvrir mais de créer un bel insecte inconnu ? De la fascination du peintre rêvant d'ocelles colorées mais ne chargeant sa palette que de l'éclat froid du métal ? S'agirait-il de tout cela à la fois ? De bien d'autres questionnements encore ?

Quelle que soit la réponse, il y a, dans l'univers de Jean-Luc Tastevin, dans le transfert de sa fantasmagorie à l'insecte symbolique, une véritable démarche porteuse d'une poésie d'espoir à contretemps, de rêve de légèreté antithétique de la pesanteur qui, depuis les origines, a empêché l'homme de quitter la terre ?

                                                                       Jeanine Smolec-Rivais