GABRIELLE BELLE, peintre et sculpteur

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            N'est-il pas paradoxal, pour un artiste, dont la définition est de liberté, d'imaginaire, de diversité, d'en venir à un "modèle" qui entre dans sa création avec une telle force qu'il en est obsessionnel ? Tel est bien, pourtant, le cas de Gabrielle Belle.

 

Certes, elle peut réaliser des sculptures humanoïdes en terre, en bois, en papier, en coton vierge ou imprimé, carton, textiles ; peindre sur les supports les plus variés ici des coquelicots, des papillons, là des paysages de Camargue… multiplier les expériences puisque chaque support excite son imaginaire, que tout lui est inspiration pour créer.

            Mais néanmoins –et c'est là que se joue son obsession- elle en revient toujours à la création de ses ours ! C'est alors un véritable défilé de petits ursidés parfois peints, l'un trônant de face ou de profil dans un champ de fleurs ou assis au milieu de milliers de minuscules points ; un autre se dorant au soleil ou entouré d'étoiles/ours ; un autre encore s'accrochant à un cœur plus grand que lui ; seul ou avec son petit copain ; articulé ou désarticulé, etc.

Mais le plus souvent, ce sont des petits ours en trois dimensions, qui prennent alors –même si les textiles sont très diversifiés- la connotation de peluches, de doudous, de poupées ! Petits, moyens, grands… au gré de la fantaisie de l'artiste. Doux, pelucheux, rêches ; l'air gentils, effrontés, timides, conquérants… coquets avec un petit nœud autour du cou… mono- ou polychromes... Toutes les nuances susceptibles en fait, de donner au visiteur l'envie de les tenir, les caresser, les offrir à ses petits-enfants.

 

A quoi peut correspondre chez un artiste, cette obsession, cette réitération d'un même thème repris à l'infini ? Chacun sait que, depuis la nuit des temps, l'ours a été divinité, objet de culte, de chasses rituelles : qu'il a parfois été considéré comme le double de l'homme, son ancêtre, toujours symbole de puissance. Puis qu'il est entré dans les mythologies, les folklores les plus divers ; qu'il a été versifié, rimé, héros de contes où il tombait toujours amoureux d'une belle jeune fille qu'il enlevait et à qui il faisait des enfants doués d'une force surhumaine ! Mais que, paradoxalement, dans les films d'animation, il est toujours gentil et paternel. Que, de nos jours, devenu essentiellement "ours en peluche", il est le jouet le plus populaire auprès des petits ; qu'il est celui qui leur sert de confident, qui les console, bref que le lien est très fort entre le bambin et son "Nounours".

Alors, Gabrielle Belle peignant ou sculptant obstinément ses ours, est-elle en manque de confident ? A-t-elle conservé son âme d'enfant ? Veut-elle réveiller en chaque visiteur l'affectif et l'émotionnel qui bouillent en elle? Est-ce tout cela à fois ? Qui sait ! La seule certitude est que cette création récurrente lui procure infiniment de plaisir !

                              Jeanine Smolec-Rivais.