VERONIQUE STERNBAUM

Texte de JEANINE RIVAIS

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          La perplexité de ses hôtes a dû être extrême lorsque, à peine débarquée de France, et entrant pour la première fois dans leur maison du Gabon, Véronique Sternbaum est allée directement se planter devant un tableau représentant une Femme malade, et signé Ilélat. Incapable de s’en arracher, elle déclara plus tard qu’elle s’était sentie littéralement « aspirée dans le tableau », Ce personnage qu’elle n’a pu connaître puisqu’il était déjà mort à l’époque de cet incident, a pourtant exercé sur elle une telle fascination, que cette jeune femme qui n’avait jamais tenu un pinceau, s’est mise à peindre ! Vivant alors au bord d’une lagune de rêve, elle a commencé à ramasser des coquillages, des baies d’arbres de la forêt proche, des coques de fruits, etc. Et des résines avec lesquelles agglomérer ses trouvailles : sur les traces d’Ilélat, en somme. Mais en ajoutant des matériaux qu’apparemment il n’avait jamais utilisés.

          La politique ayant des arguments incontournables, Véronique Sternbaum a dû un jour rentrer en France. Désormais, elle parcourt les forêts savoyardes, hotte au dos et machette à la main. Elle glane champignons parasites, faînes, écorces d’arbres, etc. Encore imprégnée des forces, des coutumes (danses, exorcismes…) de « là-bas », elle réalise d’étranges « peintures » en relief, représentant souvent des scènes ou des paysages africains. En même temps, coupée sans doute pour toujours de ces racines qu’elle s’était forgées, elle « raconte » les impressions recueillies au fil de ses promenades dans son environnement retrouvé après tant d’années… Mêlant réminiscences, culture et réactions naissantes.  Ainsi, la femme allongée au bord du ruisseau, dans la forêt, sous la clarté de la lune, (et il est curieux de constater combien, sans la connaître, cette œuvre est proche de La Bohémienne endormie du Douanier Rousseau) va-t-elle de pair avec la danseuse frappant des pieds dans la poussière. Ainsi, les villageois longeant la piste séculaire côtoient-ils le joueur de pétanque clignant d’un oeil pour mieux viser… Ainsi, tigres, singes, et Coco le perroquet arrivé elle ne sait d’où et qui a partagé sa migration, gambadent-ils indifféremment dans de hautes futaies exotiques ou des houppiers aux feuillages familiers ! 

          Naïfs, les collages/peintures de Véronique Sternbaum le sont assurément. Et la position de cette autodidacte devenue artiste parce qu’elle ne pouvait faire autrement, est tout à fait dans le sillage des créateurs médiumniques. Sans conscience d’appartenir à quelque tendance picturale, elle sait pourtant que, même à des milliers de kilomètres, elle travaille sous influence. Elle parle d’Ilélat avec beaucoup d’émotion. Elle sent près d’elle la présence tutélaire de ce vieil Africain, dans une corde de sa lyre qui sans raison se met à vibrer ; dans un souffle qu’elle sent sur son cou ; dans sa main qui refuse de placer tel objet à tel endroit… C’est pourquoi elle est très attentive à respecter ces « signes » ; à être narrative et vraie ; à modeler avec son cœur les scènes qu’elle a dans la tête. Toute vibrante d’une sorte de mysticisme, convaincue de la magie qui emporte sa vie, elle « sait » que dans les résines elle grave ses humeurs ; que le tableau « se charge » de ses états d’âme. C’est pourquoi elle ne travaille jamais quand elle se sent triste ! Le reste du temps, elle « modèle » ses petites histoires, jusqu’au moment où « quelqu’un » lui susurre : « C’est fini. Maintenant, ton tableau peut vivre » ! 

 

CE TEXTE A ETE ECRIT APRES LE DU FESTIVAL DE BANNE  2003, dans le petit village de BANNE, en Ardèche.