RENE GILOUX

Entretien avec JEANINE RIVAIS

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          Jeanine Rivais : L’an dernier, vous étiez absent du festival pour raisons de santé. Je me souviens d’œuvres exposées, toutes roses, roses, désespérément roses, des femmes à tête de cochon, outrancièrement maquillées… Que vous avaient-elles fait, les femmes, pour que vous les ayez représentées si désespérément laides ? Vous voilà maintenant avec de gentilles Bretonnes en costume folklorique. Que s’est-il passé en un an ?

          René Giloux : Je me suis reposé. Je me suis ressourcé dans la Bretagne profonde, avec ses Pardons et ses fêtes religieuses. J’ai pris comme thème la ville de Lorient avec son Pardon. 

 

          J. R. : On peut donc dire que vous êtes passé d’une aventure vengeresse, à une création apaisante, qui vous a rendu heureux?

         R. G. : Oui. Lorient avec son Pardon, ses marins qui partaient autrefois à la conquête de l’Orient, ses épices, etc. J’ai voulu placer mon interprétation de cette fête, dans un cadre oriental semblable à celui des Mille et une Nuits. 

 

          J. R. : Vous avez donc, pour traiter ce sujet, réalisé toute une procession de figurines, petits personnages en costumes folkloriques, que vous présentez sur une table… Constituant ainsi, minuscule, un Pardon presque réaliste. Ensuite, vous avez stylisé vos personnages, vous les avez presque robotisés… Peut-on dire que cette création peinte est une parodie de celle que nous venons d’évoquer, une façon de vous moquer un peu de vous-même ?

          R. G. : Oui. C’est à la fois par rapport à moi, et un regard ironique sur le festival inter-celtique qui se déroule chaque année à Lorient. 

 

          J. R. : Pourquoi cette volonté de dérision, puisque vous dites qu’à Lorient vous avez été heureux ?

           R. G. : Je ne saurais pas l’exprimer.

 

          J. R. : Venons-en aux fantasmes peints des Lorientais et des Lorientaises, et de Giloux au milieu d’eux. Vous avez intitulé cette série Les Contes des mille et une Nuits. Est-ce important que vous les ayez dessinés sur des ardoises ? Est-ce parce que cela vous ramène au monde de l’enfance ?

          R. G. : Oui. Le monde de mon enfance. J’ai écrit sur des ardoises quand j’étais enfant. Et ce matériau m’a paru un support intéressant pour fixer des images de ces Contes… que je lisais alors. 

 

          J. R. : Dans ces contes, quels épisodes avez-vous choisis et pourquoi ?

       R. G. : J’ai pris celui, central, de Shéhérazade qui raconte son histoire pour sauver ses consoeurs et elle-même. J’ai choisi également quelques autres épisodes, comme « Ali-Baba et les quarante voleurs », « Les voyages de Sinbad le Marin ». Et on retrouve aussi le personnage d’« Aladin et la lampe merveilleuse »…

 

          J. R. : Il me semble néanmoins qu’image après image, vous en ayez censuré l’érotisme ? 

          R. G. : Oui. C’est en fait une évocation, sauf peut-être concernant Shéhérazade. 

 

          J. R. : Nous sommes donc plutôt dans le domaine de l’onirisme ?

          R. G. : Oui, l’onirisme enfantin, plutôt. 

 

         J. R. : Est-ce que cela a été facile, pour vous, de quitter ces personnages rose bonbon qui étaient si terriblement impressionnants, et de passer à un monde du rêve, gentil, enfantin…

          R. G. : J’ai enterré le mot « rose », justement parce que je le trouvais trop noir ! 

 

          J. R. : J’ai bien noté, d’ailleurs, qu’il n’y a pas du tout de rose dans ce que vous proposez cette année ! 

          R. G. : Non, absolument pas ! J’ai vraiment voulu retrouver une fraîcheur que je n’avais plus connue depuis longtemps. Je suis content, au vu des réactions, d’y être parvenu. 

 

CET ENTRETIEN A ETE REALISE LORS DU FESTIVAL DE BANNE 2003, dans le petit village de BANNE, en Ardèche.