CHRISTOPHE

Entretien avec JEANINE RIVAIS

********************

          Jeanine Rivais : Etes-vous d’accord pour que l’on définisse vos sculptures par le mot « Art-Récup’ » ? Sinon, quel terme préférez-vous ?

         Christophe : On peut en effet les appeler ainsi. Mais je les appelle des sculptures, tout simplement. 

 

          J. R. : Mais le fait que les appeliez « sculptures » implique que vous interveniez sur la forme des matériaux que vous récupérez ? 

         Ch. : En fait j’assemble les éléments que je récupère. 

 

       J. R. : Pour les définir de façon rigoureuse, il faudrait donc les appeler des « assemblages », et non des sculptures ! 

       Ch. : Mais le résultat est tout de même des sculptures ! Tout le reste est une question de technique !

 

          J. R. : Bien sûr, et tout cela relevait de la boutade. Mais chaque fois se pose le même problème : Tous les récupérateurs, collagistes, assembleurs se désignent sous le nom de sculpteurs. Pourquoi est-ce important d’employer cette dénomination plutôt que les autres ? Ce mot possède-t-il un petit côté sacralisé que n’ont pas les autres ?…

          Ch. : Non. Mais toute œuvre dans l’espace est  finalement une sculpture. 

 

          J. R. : Ce qui semble surprenant, dans votre travail, c’est que chaque « sculpture » ait « un physique » différent : les unes sont banales, lourdes ; la recherche se faisant sur les éléments du matériau. D’autres sont beaucoup plus théâtrales. Certaines sont même très élaborées. Comment les définissez-vous ? Et comment les intitulez-vous ?

        Ch. : Je dirai que certaines sont en effet plus sculptées que d’autres. C’est la forme d’origine qui amène le développement de l’idée, bien sûr. Parmi mes titres, j’ai apporté « Dieu-Oiseau », « La Fertilité », « La misère sur le monde », « Egocentrique », etc.

 

          J. R. : Je note également un « Fantôme » qui nous emmène dans le monde virtuel, d’autres qui nous entraînent dans le domaine des Dieux. En somme, l’un se trouve dans l’anonymat, l’autre dans la préséance. Comment passez-vous de l’un à l’autre ?

          Ch. : Je ne me pose pas de questions. Une forme m’intéresse, je pars d’elle. Je n’ai pas de ligne définie. En général, le titre me vient en même temps. A partir du moment où la sculpture s’élabore, naît l’idée de ce qu’elle va devenir, et comment elle s’appellera.

 

          J. R. : Depuis combien de temps développez-vous cette forme de création ?

        Ch. : Depuis six ans, environ. J’ai commencé par la peinture. Je peignais des œuvres très colorées, très narratives. Et justement, à force de « raconter » des histoires, je m’ennuyais un peu. 

          Je préfère de loin cette création aléatoire que sont mes sculptures ; où les idées jaillissent ; où les formes que je découvre apparaissent au hasard. 

 

          J. R. : Vous êtes maintenant dans des nuances très sobres. On pourrait même dire dans des « non-couleurs ». La couleur ne vous manque pas ? 

          Ch. : Non. Cela me repose. 

 

          J. R. : Il me semble que beaucoup des éléments que vous avez récupérés appartiennent à la campagne ? Des colliers de chevaux, des chaînes, etc. Vous êtes un campagnard dans l’âme ; un citadin ; ou un campagnard à la ville ?

          Ch. : Tout a commencé à la campagne où j’ai trouvé, au hasard, des objets qui me paraissaient amusants. Puis j’ai regardé chez les ferrailleurs des alentours où s’entassait beaucoup de matériel agricole. En général, ces objets ont bien vécu, sont bien usés…

 

          J. R. : Cet aspect usé, cette affirmation du passé sont-ils essentiels pour vous ? Dans ce cas, pourquoi y mêlez-vous ces gouttières de zinc qui ont gardé leur côté presque neuf ? Par contre, je vois une scie de faucheuse toute rouillée. Pourquoi ces associations ? 

          Ch. : Ce sont les gouttières des toits de Paris, elles doivent donc être vieilles elles aussi. Mais je ne sais pas toujours quel était l’usage des objets que je récupère. Il y a là une sorte de râteau avec lequel j’ai fait la tête d’un de mes personnages. J’ignore ce que c’était ?

       Ce n’est pas tellement l’aspect d’usure qui me préoccupe. C’est l’harmonie qui existe spontanément  entre les différents éléments. Ces vieux fers et ces vieux bois font immédiatement bon ménage. Il ne me viendrait pas à l’idée d’y mettre du clinquant. Le fait qu’ils soient usés a finalement peut-être de l’importance ? 

        Mais je vous redis que je ne me pose jamais de questions. J’agis jusqu’à ce que je sois parvenu à une forme qui me plaise.

 

        J. R. : Il est donc inutile que je vous demande si vous voudriez ajouter quelque chose concernant votre démarche ?

          Ch. : Non, tout ce que je peux dire, c’est que le plaisir est dans l’action. Et il se prolonge en regardant le résultat. 

 

CET ENTRETIEN A ETE REALISE LORS DU FESTIVAL DE BANNE 2003, dans le petit village de BANNE, en Ardèche.