Datant de plusieurs années, oubliés pour d’autres formes de créations, les tableaux de Jenny Millot n’en restent pas moins d’une brûlante actualité.
En effet, ne sont-ils pas de toujours et de partout, ces personnages perdus en des onanismes douloureux à en juger par leurs yeux hagards ; ces amants lovés en des étreintes d’une rare violence, jetés l’un contre l’autre comme en des spasmes d’agonie, à grands coups de pinceaux brossant des hanches larges, des seins durs et volumineux, des muscles luisants ou des sexes plus ou moins « disponibles » ?
Parfois, les personnages sont découpés comme au scalpel, disposés toujours sur une oblique de la toile, comme pour attester qu’ils sont incapables d’entrer dans un cadre logique. Et ils sont alors si crûment proposés qu’ils semblent placés là pour quelque leçon d’anatomie. D’autres fois, cependant, leur présence ou leur relation ne sont qu’allusives, comme s’ils se fondaient alors en des fonds anonymes. Enfin, cette difficile relation entre les personnages de Jenny Millot est illustrée par des séries de personnages placés côte à côte, mais séparés par des lignes noires qui les enclosent étroitement chacun dans leur univers…
Finalement, le mal-être qui exsude de ces êtres jetés sur la toile avec pourtant une grande maîtrise et beaucoup de talent, explique peut-être pourquoi l’artiste a décidé de les « oublier » dans quelque grenier, se lancer dans la sculpture, et la danse. Une question demeure : ces autres « Savoir Faire pour Savoir Etre au monde » (¹) ont-ils apporté à cette créatrice la paix et l’épanouissement qui étaient douloureusement absents de ses œuvres peintes ?
(¹) Jenny Millot.
Interrogée presque à la fin du festival, lors d’un passage à Banne, un soir de grand dîner convivial chez Charles Simond sculpteur et poète et sa femme Colette, Jenny Millot déclare n’avoir pas donné un coup de pinceau depuis cinq ans. Qu’en fait, elle était à l’étranger au moment de l’inscription. Et qu’elle ignorait que ses amis avaient sorti ses toiles du grenier et les avaient exposées. Elle estime que ces toiles très gestuelles, très violentes correspondent à une période douloureuse de sa vie, et que désormais, celle-ci ayant changé, elle n’a plus rien à dire sur ces œuvres.
CE TEXTE A ETE ECRIT APRES LE DU FESTIVAL DE BANNE 2003, dans le petit village de BANNE, en Ardèche.