LOREN

Texte de JEANINE RIVAIS

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          Quiconque rencontre Loren est immédiatement conquis par son grand cœur, sa convivialité sans faille, son humour… Toutes qualités qui le font passer pour un être dont la vie n’est que gaieté. Erreur ! Loren est un anxieux, à la sensibilité à fleur de peau ; quelqu’un pour qui le monde ne tourne pas comme il le souhaiterait ! Alors, depuis toujours, il essaie de pointer du doigt (littéralement puisqu’il ne se sert jamais de pinceau) sur des morceaux de bois aux formats les plus hétéroclites parce que récupérés au hasard de ses pérégrinations, ce qui le dérange, ce qu’il espère changer. Loren et ses peintures et sculptures militantes, donc. Loren dénonçant les incongruités sociales, les bavures politiques, les injustices et les déraisons sociales… Mais Loren aussi, du fait de son talent, dans une démarche liée non à la seule nécessité de prouver et d’accuser, mais chez qui la dénonciation  de ces anomalies devient œuvre d’art.

     Programme difficile, lorsque tout l’engagement d’un homme est contenu dans sa peinture ; qu’il doit, par elle, convaincre un monde en continuelle évolution, donc en perpétuelle différence. Loren a choisi, pour étayer ses démonstrations, d’user de la violence potentielle déployée par les animaux ; et fait se succéder et s’affronter sur ses œuvres, de véritables monstres : molosses aux gueules révélant des crocs énormes, lions à la « chasse », etc… afin que leur férocité démonstrative serve de faire-valoir à sa problématique et que les grands déploiements de sang qu’ils provoquent accentuent la mise en cause des perversions humaines ! Rien de gratuit dans une telle démarche ! Mais un grand investissement personnel sans hiatus, de l’homme et de l’artiste.

     Heureusement, -peut-être est-ce le repos du guerrier ; le moment où, épuisé d’avoir avancé l’échine raide, il lui faut souffler un peu ?- Loren est également créateur d’œuvres de verre polychromes. Plus douces, aux belles transparences glauques, ces créations lui apportent un charme et une beauté que l’artiste exigeant remet sans arrêt en cause, par peur de tomber dans l’esthétisme ! Tout en aimant l’incertitude et acceptant par avance l’aléatoire de ce travail : mais qui pourrait penser que Loren sera jamais inconditionnellement satisfait ? Il y a fort à parier que, si un jour il parvient à dominer de A à Z cette nouvelle création, il emploiera immédiatement ce savoir-faire à dire « autrement » (pareillement ?) que tout n’est pas pour le mieux dans le vaste monde… 

          Dans l’immédiat, il crée des masques entourés de copeaux de métal, d’immenses clous/rayons de soleil, de petits personnages aux corps plats sinués de belles nuances, etc. Des œuvres rayonnantes, déjà tellement personnelles ! Peut-être, après tout, si elles lui « résistent » assez longtemps, ce nouvel univers l’amènera-t-il à un peu d’optimisme ? Peut-être les œuvres de Loren verrier seront-elles capables de soulager les désillusions qui accompagnent immanquablement l’attitude utopique de Loren peintre ? Qui sait ?

 

CE TEXTE A ETE ECRIT APRES LE DU FESTIVAL DE BANNE  2003, dans le petit village de BANNE, en Ardèche.