JULIA WILLIAMSON, sculpteure

ENTRETIEN AVEC JEANINE SMOLEC-RIVAIS

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Jeanine Smolec-Rivais : Julia Williamson, à votre accent, puis-je supposer que vous êtes anglaise ?

Julia Williamson : Oui, en effet, mais j'habite en Savoie depuis treize ans.

 

J.S-R. : Etes-vous récupératrice ou simplement conceptrice de ces personnages, d'animaux, etc. ?

J.W. : Je récupère certains objets. Je mélange tout ce que je peux, et parfois je fais des collages. L'un d'eux, par exemple, est un bouddha, avec les sept péchés capitaux dans le ventre. Puis j'ai trouvé des pierres qui m'ont inspiré les tortues. J'aime bien les boîtes pour faire des armoires avec des œuvres dedans ; etc.

 

J.S-R. : Vos compositions me semblent ouvrir une large gamme : des personnages/oiseaux, des hiboux sans doute, qui ressemblent beaucoup à des moines. Puis, un penseur barbu, un lapin à ventre de tortue. Un diable…

J.W. : Non, ce sont des chats, rien que des chats ! J'ai chez moi des chats de race, un Siamois, et un sans poils. J'aime bien l'idée que, quand nous sommes absents, ils ne restent pas toute la journée à dormir, mais qu'ils passent leur temps à faire des bêtises. Et même, je vais plus loin, je les imagine en train de courir avec une souris dominatrice sur le dos… en train de faire des tags sur les murs… Le chien qui est dominé par le chat…

 

J.S-R. : En fait, vous créez donc dans l'humour ?

J.W. : Oui, cela me plaît beaucoup. C'est un niveau d'expression dans une culture qui n'est pas la mienne ; une culture différente de ce que j'ai exprimé.

 

J.S-R. : Comment réalisez-vous vos sculptures ? Mettez-vous un socle ? Du grillage ?

J.W. : Non, généralement, je fais de la colle avec de la Maïzena cuite. Je ne mets rien dessous. Je trempe le papier en bandes, et je crée une forme autour d'une boule de papier journal. Généralement, il n'y a donc pas de socle, pas de structure. Sauf de temps en temps, quand je fais des jambes très longues, je glisse du fil de fer sous le papier. Ainsi, c'est un peu plus solide.

 

J.S-R. : Presque tous vos chats sont blancs, à tout le moins dans les blancs. Mais vous en avez un, inattendu, tout noir !

J.W. : Généralement, je travaille le blanc, parce que je peux faire ressortir l'idée d'albinos. J'ai fait ce chat noir pour créer une opposition. Mais généralement j'aime travailler dans les blancs. C'est ma couleur fétiche. Il est plus facile de faire des reliefs avec le blanc qu'avec le noir.

 

J.S-R. : Vos compositions sont-elles complètement indépendantes les unes des autres ? Ou les réunissez-vous, comme par exemple vos trois petites souris, pour en faire une histoire ?

J.W. : Ils ont tous une histoire. Je reviens souvent sur la même histoire, parce que, comme je l'ai dit, les chats, c'est l'imagination. Je reprends souvent, aussi, le thème du cirque. J'ai fait plusieurs fois le mouton à cinq pattes. Cette expression "mouton à cinq pattes" n'est pas une expression anglaise ; mais quand mon mari qui est français m'en a expliqué le sens secondaire, j'ai trouvé qu'il me convenait bien. C'est donc une idée que je revisite. J'aime bien les formes rondes, les femmes qui ne sont pas très belles…

 

 J.S-R. : Sur la deuxième étagère, vous êtes plutôt dans l'humain ; et deux de vos personnages sont à coup sûr des clercs de notaires du XIXe siècle !

J.W. : Mes enfants m'inspirent un peu. Ils aiment bien le pliage de papier. Je fais souvent des couples, ou un couple avec un troisième qui les embête. Ici ce sont des jumeaux que j'ai réalisés en origami ! J'aime aussi beaucoup faire des singes parce que dans le Bouddhisme, le singe supposé être en méditation, crée au contraire dans notre imagination, l'impression qu'il bavarde, qu'il s'agite, etc.

 

J.S-R. : Et ces deux personnages étroitement enlacés ?

J.W. : Je peux faire de façon répétitive, des chats, etc. Mais de temps en temps, j'ai des projets beaucoup plus longs, qui demandent beaucoup plus d'attention au niveau de l'anatomie de l'animal :Là, j'avais vu une photo avec deux singes qui faisaient câlin, avec un regard qui me touchait, et chacun d'eux avait un regard particulier. Et puis, si on les regarde par-dessus, il y a un autre aspect caché. J'aime bien ce qui se cache, qu'on ne voit pas de prime abord. Un cheval, aussi, peut être surprenant parfois, lorsqu'il prend un air de rire ! En fait, je n'ai pas besoin de beaucoup d'éléments. Je prends ceux qui sont naturels, et je les traite à ma façon.

 

J.S-R. : Y a-t-il des sujets que vous auriez aimé évoquer et dont nous n'avons pas parlé ? Des questions que vous auriez aimé entendre, et que je n'ai pas posées ?

J.W. : Je peux redire que ce qui me plaît, ce sont les sujets d'imagination ; le quotidien que je traite à ma manière. Ce qui me berce pour m'endormir, c'est l'idée de la prochaine sculpture. Comment je peux faire quelque chose qui m'amuse ? Je n'ai jamais de problème de trouver un autre sujet.

 

J.S-R. : Ma question suivante allait être : que se passe-t-il lorsque vous ne savez pas ce que vous allez faire !?

J.W. : Je vais être malade ! C'est ma sculpture qui me sauve !

 

J.S-R. : Tout de même, il faudrait évoquer le matériau avec lequel sont faits vos petits moutons ? C'est réellement de la laine ?

J.W. : C'est de la laine brute que j'ai trouvée. Pour me donner une chance d'avoir un visiteur qui aura envie de partir avec une de mes œuvres, j'essaie d'en faire des petites, de petits clins d'œil, une petite partie de moi !

 

ENTRETIEN REALISE DANS LES ECURIES DE BANNE, LORS DU FESTIVAL BANN'ART LE 10 MAI 2013.