PASCAL BIDOT, sculpteur

ENTRETIEN AVEC JEANINE SMOLEC-RIVAIS

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Jeanine Smolec-Rivais : Jean-Pierre Bidot, vous me dites que c'est la première fois que vous participez à un festival ?

Pascal Bidot : Oui.

 

J.S-R. : Comment appelez-vous vos œuvres, qui sont sur des supports plats et semblent des peintures en relief ?

P.B. : Je dis plutôt "sculptures".

Voilà trois ans que je me suis remis à la peinture et la sculpture décoratives. Mais au départ, mon métier était graphiste-décorateur. J'ai travaillé pour des multinationales, pour des monuments historiques, etc. Du coup, comme j'ai fait une école des Métiers d'Art de Lyon, à cinquante-trois ans, j'aimerais me consacrer à la peinture artistique. J'avais déjà tenté la même chose il y a une vingtaine d'années, mais cela s'était soldé par un abandon.

 

J.S-R. : Parlons d'abord de vos trois grandes œuvres que vous appelez "Sculptures". C'est la politique de la terre brûlée ?

P.B. : Non, ce sont plutôt les tourments de la terre, les plaques tectoniques, les mouvements magmatiques, tout ce qui se passe en profondeur et que l'on ne voit pas. Par extension, ce sont aussi les tourments de la terre, parce qu'en ce moment elle est bien agressée. L'un d'eux s'intitule "Magma"…

 

J.S-R. : Vous voulez dire celui qui présente des coulées incandescentes ? Comme un volcan qui serait en éruption ? Donc, celui-ci, vous l'associez aux trois grands qui sont également très magmatiques ?

P.B. : Oui. L'un s'intitule "Distorsion". Comme vous le voyez, "Magma", "Distorsion", tout cela traduit les problèmes de la terre. L'autre s'appelle "Fractures" et ce sont les plaques tectoniques qui entrent en collision.

 

J.S-R. : C'est fait avec de la tôle ou de la terre ? Parce que cela semble en effet tellement tordu. J'opterais pour de la tôle, mais est-ce bien cela ?

P.B. : Non, justement ! Ce n'est ni de la tôle ni de la terre ! C'est un composé que je tiens un peu secret ! Tout ce que je peux vous dire, c'est que c'est un support composite !

 

J.S-R. : Une composition à vous ?

P.B. : Non. Quelque chose que l'on trouve dans le commerce et qui est issu du recyclage. Après, je travaille avec des pigments naturels, des encres de sérigraphie…

 

J.S-R. : A l'origine, de quelle couleur sont-ils ?

P.B. : Blancs, noirs, rouges, verts…

 

J.S-R. : Et toutes ces couleurs moirées, irisées… c'est vous qui les avez créées?

P.B. : Voilà. Avec des pigments naturels, des oxydes de fer. J'utilise même des paillettes de mica. Puis je passe des vernis issus de la sérigraphie.

 

J.S-R. : Si j'allais creuser en profondeur, je retrouverais les couleurs ? Ou vous les avez posées seulement en surface ?

P.B. : C'est uniquement en surface. En profondeur, vous découvririez une couche de noir mat fait avec de l'encre sérigraphique. Les couleurs sont superposées, non mélangées parce que je ne le peux pas,

 

J.S-R. : Il vous faut donc attendre que l'une soit sèche pour poser l'autre ?

P.B. : Oui. En fait, je travaille par transparence, avec des gels. Et puis, pour l'oeuvre qui ressemble à un volcan en éruption, j'ai inséré des diodes à l'intérieur. C'est ce qui donne cet aspect lumineux.

 

J.S-R. : Voilà où va la technique ! C'est un peu effrayant de voir où va maintenant l'imaginaire des artistes ! J'avais naïvement pensé que vous produisiez cet effet avec de la peinture !

P.B. : Il y a derrière un support réfléchissant omnidirectionnel, et du coup j'ai intégré ces diodes. Je n'ai que quatre œuvres dans cet esprit. Avant, je faisais des choses très différentes. Des personnages dans la danse contemporaine, assez aériens. Je les ai complètement abandonnés pour ce style de travail.

 

J.S-R. : En somme, vous avez pris en mains les destinées de la terre ?

P.B. : Oui ! Avec mon métier, je suis supposé faire des décors. Je ne voulais donc pas continuer dans la peinture. J'ai voulu utiliser ce support que l'on utilise ordinairement dans la publicité, pour le détourner.

 

J.S-R. : Beaucoup moins pessimiste, beaucoup moins grave et créatif et beaucoup plus dans le courant actuel, vous proposez des dessins qui sont très proches de la bande dessinée.

P.B. : Oui, on peut le dire !?

 

J.S-R. : A ceci près que vous auriez pris image par image un personnage, et sans la bulle !

P.B. : Oui, c'est cela ! C'est de la peinture acrylique avec divers vernis, des dorures. Sur des panneaux encore issus de la publicité.

 

J.S-R. : Comment associez-vous ce travail extrêmement grave à ce travail tellement léger ?

P.B. : J'ai conçu ces dessins spécialement pour le festival. Vu que le reste de mon travail n'est pas trop Art singulier, je me suis dit qu'il faudrait que je fasse une série exprès.

 

J.S-R. : En tout cas, vous avez eu bien tort de modifier votre création profonde pour ce genre de dessins qui ne sont pas plus singuliers que vos magmas. Vous avez eu tort de ne pas faire un tableau magmatique de plus pour faire ces petits dessins. Ceci dit, ils sont très bien faits, ce n'est pas la question ! Ils sont amusants. Et l'association des masques et des bouteilles ?

P.B. : C'est une composition que j'avais réalisée quand j'avais dans les vingt-cinq ans ! Je les ai remis en place pour les apporter. Ce sont également des matériaux composites, du pack-light que je déforme en le chauffant. Puis que je peins au pinceau et à l'aérographe. Tout cela ressorti pour le festival, parce qu'il me semble que cela rentre un peu dans l'Art singulier ?

 

 

J.S-R. : Je ne sais pas ! Je sais que la définition est très large, mais je dirai que vos sculptures magmatiques sont plus dans l'Art singulier que vos dessins ou vos masques ! Il y a une gravité de ton, une recherche… Il y a de la psychologie dans cette démarche, même s'il n'y a pas de personnages ! Il me paraît évident que cela correspondrait mieux que vos dessins qui sont légers. En somme, avec vos dessins, vous vous êtes fait plaisir !

P.B. : Oui ! Je ne sais pas, finalement !

 

J.S-R. : Pour être singulier au sens originel du terme, il faut qu'il y ait une très puissante psychologie. Au début, même, de la psychiatrie dans l'œuvre. Maintenant, on ne cherche plus forcément la psychiatrie, la plupart des artistes ne sont pas des malades mentaux. Mais il est bon que la psychologie reste ! Or, il y en a dans vos grandes œuvres, parce que même si l'on n'a pas vos explications, même s'il n'y a aucun être vivant, on voit bien que c'est une souffrance et forcément, vu l'absence de personnages, c'est une souffrance de la terre.

P.B. : Oui, les tourments de la terre, les contrariétés,

 

ENTRETIEN REALISE DANS LES ECURIES DE BANNE, AU COURS DU FESTIVAL BANN'ART, LE 11 MAI 2013.