Abs Van Berkum Présidente du musée, et quelques amis exposants
Abs Van Berkum Présidente du musée, et quelques amis exposants
3 exemples de disposition des oeuvres
3 exemples de disposition des oeuvres

       "Le format modifie-t-il l’impact d’une oeuvre ?” Telle était la question posée par Ans Van Berkum, en organisant son exposition annuelle, à laquelle participaient plus de cent-trente artistes.  Il semble bien que la réponse, quoique nuancée, soit : “Oui, généralement !” En effet, à suivre, au fil des années, les créateurs, peintres ou sculpteurs, le visiteur finit par avoir d’eux l’image mentale d’un “format”. Si l’oeuvre est puissante, un seul tableau, une seule sculpture de ce format spécifique suffisent pour que, dans n’importe quel contexte, surgisse le nom correspondant à cette image sinon définitive, du moins signifiante de la créativité de l’artiste. C’est pourquoi, il y avait quelque chose d’étrange à voir soudain côte à côte, tant d’oeuvres toutes petites, comme si elles avaient rétréci ! Et pour chacune revenait la question préalable : “Comment ce travail va-t-il réagir, parmi tant d’autres propositions confrontées à la même interrogation ? Sa puissance sera-t-elle inchangée ? Son évidence subsistera-t-elle ? Sa spécificité et son originalité demeureront-elles intactes ?” 

O. Saban, P. Duchin, M. Nedjar, R. Halder
O. Saban, P. Duchin, M. Nedjar, R. Halder

     Pour en décider, entraient en jeu plusieurs facteurs, le principal semblant être le nombre : L’artiste avait-il été trop modeste ? Son unique “petit format” était noyé parmi les autres sur les grands murs du musée, et perdait de ce fait son pouvoir de reconnaissance immédiate. Fallait-il alors, en envoyer plus d’une centaine comme l’avait fait Ody Saban ? Il semble bien que non car, dans ce foisonnement, l’oeil s’accrochait à quelques-uns, les plus linéaires, les plus anecdotiques, les plus impliqués dans des face-à-face de couple, les plus élaborés... petites poupées gigognes, petits paysages, etc. Mais, ce faisant, il perdait de vue l’ensemble ! 

     Que fallait-il donc faire ? Là encore, la réponse ne saurait être définitive : parmi les exposants qui  avaient  envoyé entre quelques oeuvres et une vingtaine, il y avait ceux égaux à eux-mêmes, comme Paul Duchin déployant, avec une sérénité et une assurance identiques à celles des grands formats, ses “cartes d’identité” d’hommes aux oreilles décollées, aux bouches de travers ; et ses maisons-tirelires ! Mais, pour la plupart, la façon de les recevoir dépendait beaucoup de celle dont les commissaires de l’exposition les avaient ressenties, avaient accentué la particularité due, précisément, à l’oeuvre elle-même ou au nombre : Placement sériel pour Michel Nedjar qui tirait magnifiquement son épingle du jeu, avec ses petits bonshommes et animaux sagement alignés, et juste cinq poupées accrochées là, pour déséquilibrer l’espace ; ou celui de Riet Halder dont les minuscules individus caracolant et échevelés s’étageaient en deux branches de candélabre ! 

M.Gill, G. Sendrey, K. Bock, T. Gordon
M.Gill, G. Sendrey, K. Bock, T. Gordon

          Ou encore les jeunes filles aux robes précieuses et brodées de Madge Gill, et le chaleureux pot-pourri de têtes et personnages lascifs de Gérard Sendrey, ces deux groupes semblant partir à l’assaut du plafond ! Côté obsessionnel souligné par la disposition “photos dans un album” des faciès monstrueux de Ted Gordon ! Mélange des “sujets” et des couleurs pour Kymet Bock tentant, comme le fait l’artiste, d’échapper à la logique pour aller vers le rêve. Concordance stupéfiante entre les tout petits dessins perdus dans de grandes feuilles blanches de Franz Kamlander, Johann Fischer et Johann Korec, d’esprit si  proche qu’ils pourraient tous appartenir au même artiste ! Côté ludique des personnages d’Alain Arnéodo, alternativement rose uni de profil et multicolores de face, constitués d’infimes touches de peintures ; ou des moyens de locomotion de Pépé Vignes si touchants par leur naïveté enfantine ! 

B. Montpied, F. Kamlander, J. Fischer, J. Korec
B. Montpied, F. Kamlander, J. Fischer, J. Korec
A. Arnéodo, Pépé Vigne, Jaber, P. Guallino
A. Arnéodo, Pépé Vigne, Jaber, P. Guallino

    Et puis, il y avait les oeuvres qui s’imposaient, malgré leur nombre restreint, celles de Jaber, par exemple, sortes de “musettes” pendues comme au retour du travail ; Patrick Guallino dont les trois sculptures filiformes, tordues en équilibres précaires, tendaient vers le haut leurs mains-balais, comme pour signaler les trois peintures situées au-dessus, où se contorsionnaient également leurs contre-points nimbés de blanc dans de minuscules océans de bleus ! Et surtout Monique Le Chapelain, pourtant perdue derrière un contrefort, mais dont les animaux-fleurs aux couleurs vives et lumineuses  chantaient  si fort qu’il était impossible de ne pas les voir et tomber immédiatement sous leur charme ! 

W. Van Genk, C. Goux, J. Charles, M. Le Chapelain
W. Van Genk, C. Goux, J. Charles, M. Le Chapelain

         Parmi les petits groupes de sculptures, posés tout simplement sur de banales étagères, les Trolleybus de Willem Van Genk étaient à peine plus petits que d’habitude, minutieux, colorés, prêts pour la parade ! De même, les tendres merveilles de Claudine Goux, drakkars délicats surchargés de “Vikings” arborant leurs pavois de part  et d’autre de quelque Odin totémique aux grands yeux malicieux ! Et, antithèse de cette sophistication, le voyage vers les limbes de Jeanne Charles, où l’avant du premier bateau chargé de monstres avortons mordait la queue d’un nautonier-scorpion, tandis que dans la dernière barque, une “silhouette” blanche tentait de pousser par-dessus bord, un personnage qui résistait : de toutes les oeuvres exposées à Zwolle, ce petit ensemble si lisse, si dépouillé, semblait par son absence totale de recherche esthétique, le plus chargé de désespérance, voire de souffrance.  

Nek Chand
Nek Chand

         Enfin, la merveille ! le groupe de Nek Chand qu’Ans Van Berkum avait voulu “défilant” dans un  renfoncement  du  plancher ; ce  qui,  par la  vue en plongée qu’en avait le spectateur, accentuait l’impression de miniaturisation et de foule ; transformait soudain le souvenir multiple et multiforme des milliers de personnages du “vrai” jardin indien en une tribu lilliputienne : animaux de la jungle précédant le train de petits personnages assis sur des caisses d’emballages, de  coolies chargés de paquets, de musiciens et  d’esclaves la  tête surmontée de jarres de terre cuite ! Le tout à la fois statique et mouvant, vivant et figé, déroulant son cortège immobile devant le visiteur accroupi, fasciné par l’impassibilité des visages à peine à hauteur du sien ; saisi de l’envie de toucher ces jouets trop précieux ; s’éloignant finalement à regret en se disant que, si les “petits formats” changent l’impact des oeuvres, amoindrissent parfois leur force picturale, le plus souvent en les rapprochant des yeux de l’observateur, ils les rapprochent aussi de son cœur.

 

Et bien d'autres !!! Pour le plus grand plaisir du visiteur ! 

J. R.

 

CE TEXTE A ETE PUBLIE DANS LE N° 63 D'OCTOBRE 1998 DU BULLETIN DE L'ASSOCIAITION LES AMIS DE FRANCOIS OZENDA.