SLAVKO KOPAC (1913-1995)

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SLAVKO KOPAC, ENFIN !

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Faut-il s'indigner de ce que cet immense artiste Singulier, ami intime de Jean Dubuffet, et qui a inspiré les plus grands écrivains (Benjamin Péret, Georges Boudaille, etc.) ait disparu sans que lui soit accordée la reconnaissance à laquelle il aurait eu droit depuis des décennies ? Faut-il se réjouir, puisque Paris qui refusa naguère la Collection Dubuffet, présente dans les salons de l'Hôtel de Ville, une magnifique rétrospective de peintures et sculptures de Slavko Kopac ? Toujours est-il que ses œuvres sont là, enfin, puissantes et originales, "évidentes" ! 

Evidentes par le sens des couleurs, des harmonies de formes créées par les conjugaisons de matériaux traditionnels (toile, bois, papier…) et de mille petits riens trouvés au hasard et détournés pour en faire les éléments du tableau. Comme s'ils lui avaient toujours "appartenu" ! Au même titre que les lambeaux d'autres papiers, chiffonnés, maculés, imprégnés de peinture, mouillés pour provoquer des disruptions, dévoiler ici une tête humaine, là un corps de femme ou un animal… Car l'artiste a constitué un très piquant bestiaire dessiné à la manière des enfants, fait de chats à pattes-bâtons, lionnes emportant leurs petits sur le dos, vaches formées de deux ovales et deux demi-lunes combien évocatrices, etc. Parfois, au contraire, les oeuvres sont très sophistiquées : femmes nues, lascives, provocantes, hanches généreuses, courbes harmonieuses caressées d'un unique trait ; lourds cheveux piquetés de signes ésotériques ; mains précieusement offertes… Fonds travaillés comme des soieries ; tamponnés de petites taches plus claires qui font vibrer les luminosités des corps.

Evidentes, les gouaches sur papiers où évoluent paysages ou personnages aux contours imprécis, car l'artiste a laissé fluer encre et peinture en mille friselis qui entourent les sujets comme des auréoles. 

            Evidentes, les sculptures ! Totems, couples… combinaisons d'essences, ciment, collages de céramiques sur pierre… Elles sont la quintessence de la virtuosité à suggérer en quelques lignes sobres, un enlacement, une caresse. Ocre ou repassées en teintes douces, elles ressemblent à de petits bijoux sur lesquels l'artiste aurait résumé toute sa tendresse, son humour, la chaleur des teintes brunes qu'il a affectionnées pendant les longues années où il les a conçues parallèlement à ses minuscules toiles délicates comme des camées, ou ses grands nus érotiques… 

          Artiste du plus grand talent, osant tout en somme, sans souci de la reconnaissance ou de la richesse, fou de cet art qu'il affirmait être "un jeu solitaire, un message à soi-même" ; vivant dans la réclusion de son atelier en manière de protection instinctive contre les influences extérieures, car "c'est quand on commence à plaire que les choses se compliquent". 

          Heureux Slavko Kopac, alors, qui fut superbement "oublié" des institutions muséales ? Mais pour ceux qui ont rencontré épisodiquement, ou côtoyé ses œuvres si ludiques et si intenses, quel plaisir de les retrouver toutes à la fois sur des cimaises ! 

JEANINE RIVAIS

CE TEXTE A ETE ECRIT EN 1996 A L'OCCASION DE LA RETROSPECTIVE DES ŒUVRES DE KOPAC A L'HOTEL DE VILLE DE PARIS.

CE TEXTE A ETE PUBLIE DANS LE N° 29 DE JUILLET 1993 DE  LA REVUE DE LA CRITIQUE PARISIENNE.

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Slavko Kopac Michel Thévoz et Jean Dubuffet
Slavko Kopac Michel Thévoz et Jean Dubuffet

TEXTE DE JEAN DUBUFFET QUI AVAIT CONFIE SA COLLECTION A LA BIENVEILLANCE DE KOPAC. 

"Comme mes propres travaux, ceux de Kopac tournent le dos à l'art institutionnel. Il se refuse à emprunter rien à l'intellectualisme culturel. Il a pris entièrement parti de la brûlante spiritualité sauvage. Il n'a quête que de l'innocence, de 'invention pure. Son art cependant est extrêmement contrôlé et raffiné. C'est le très précieux raffinement barbare qui, à partir des évocations les plus simples, les plus pauvres, et en n'y mettant en œuvre aussi que les moyens les plus rudimentaires, atteint dans son expression une intensité que les productions académiques ne connaissent plus. Nous nous sommes rencontrés, Kopac et moi, quand il est arrivé à Paris il y a plus de trente ans. Son art était déjà constitué tel qu'il est demeuré, ses positions déjà fortement prises n'ont plus, dans la suite, varié. De mes propres peintures qui procédaient de visées similaires, il ne connaissait alors rien, non plus que moi des siennes. Nos aspirations communes nous ont rapprochés, elles ont fondé notre solide amitié. J'affectionne beaucoup ses ouvrages, ils me donnent vive émotion et admiration".

JEAN DUBUFFET

EXTRAIT DU CATALOGUE "SALUT A JEAN DUBUFFET". Galerie Alphonse Chave, Vence 1985.