BRUNO MONTPIED ET L'ART DE LA DERAISON.

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montpied 1
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Bruno Montpied présente une série de petits dessins, extrêmement travaillés. Tout se passe comme s’il proposait des fragments de rêve, très liés au western, à la vie quotidienne, bébés-éprouvettes, gros poissons, etc. Chaque fois se retrouvent un humour souvent très noir, une technique remarquable, des personnages dont les têtes sont le plus souvent des masques tantôt d’animaux (comme celui de "Appel à témoins",ou "Strange Western", par exemple, très proche de la monture de Sancho Pança...) ; tantôt des créatures de science-fiction où les squelettes seraient les vivants...Très souvent, se promènent des sexes, des seins nus en lévitation : en fait, il ne semble pas y avoir de lois de la gravité dans l’oeuvre de Bruno Montpied !

Capable du travail le plus sophistiqué, Bruno Montpied joue dans ces oeuvres minuscules, avec la technique, fait “baver” l’encre pour créer des effets de matière dégressifs, etc.

montpied 2
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Les peintures plus grandes sont extrêmement violentes, enchevêtrements de cheveux comme des tentacules de pieuvres, des personnages aux yeux ronds grands ouverts ; d’oiseaux qui sont toujours des rapaces. Comme dans un conte triste, des gens pleurent ; des sorciers dardent leurs yeux maléfiques ; des monstres sont réduits à une tête, un cou et une sorte d’escargot-pied (est-ce un clin d’oeil à son atelier du Sciapode ?) Un extraordinaire travail de pointillisme   comme dans "Désignant la femme à la chevelure d’algues", où en effet, des algues s’enchevêtrent, et on s’aperçoit finalement que la femme dont le titre donne une si longue description, n’est qu’une toute petite tête, au centre de la toile, entourée de personnages-cocons, de nains à grands bonnets pointus, possédant tous des membres tentaculaires. Les côtes analogues à celles des dinosaures fossilisés sont également souvent évidentes. Elles découpent plusieurs étages d’animaux. Et puis, dans "Les têtes pleines de rouge" se trouve une série de personnages côte à côte, pour lesquels le spectateur cherche en vain bras et jambes parce que chacun en engendre un autre ; comme si les femmes étaient enceintes, mais enceintes dans n’importe quelle partie de leur anatomie !

L’artiste revient périodiquement à ce travail de pointillés, de lunes, petits pavés, écailles, traits menus qui prennent le pas sur les surlignages noirs et épais... Un travail extraordinairement précis.

Tout est déraisonnable dans l’oeuvre de Bruno Montpied !

                                                           Jeanine Rivais

CE TEXTE ECRIT DANS LE CADRE DE L'EXPOSITION DU MUSEE DU TREMBLAY (Yonne), "VOUS AVEZ DIT SINGULIERS", A ETE PUBLIE DANS LE N° 61 DE NOVEMBRE 1997 DU BULLETIN DE L'ASSOCIATION LES AMIS DE FRANCOIS OZENDA.

Les images de l'époque étant minuscules et en noir et blanc, les deux illustrations ont été recueillies sur Internet. Mais au fond, elles auraient parfaitement pu illustrer ce texte !