ANONYMES OU CELEBRES, LES PERSONNAGES DE REBECCA CAMPEAU,

FIGURE DE PROUE DE L'ART TEXTILE

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Flaubert et La Goulue
Flaubert et La Goulue

            Voilà près de trois décennies que Rébecca Campeau crée des personnages de papier, carton, mais surtout de textile -de lin en particulier-. De sorte qu'elle se retrouve au milieu d'une foule de "gens" tantôt anonymes, tantôt conçus comme les jumeaux de personnages célèbres ; ici La Goulue, là Gustave Flaubert, Marcel Proust, Van Gogh… Et quelques animaux familiers peuplant l'espace à hauteur de mollets de tout ce joli monde !

Deux groupes
Deux groupes

            Groupés, tous ces individus ont un petit air de famille : râblés, larges d'épaules et bombant le torse, pour les hommes ; moustache conquérante, chapeau de guingois comme lors d'un retour de goguette pour les "Messieurs" ; paletot et chapeau fatigué pour le petit peuple, sans oublier l'incontournable cache-col tricoté-maison, entourant leurs cous plutôt courts. Et puis, jupe longue, veste à jabot de dentelle, ornant une poitrine avantageuse, pour les femmes ; cheveux couverts d'un voile, drus, enchignonnés, chapeautés… Aucun bijou, sauf exception ; mais des pochettes pour les gens chics… Et des gants !… Bref, un éventail complet de toutes les classes sociales se côtoyant en toute simplicité. Tous regardant vers un unique point situé en off, face à eux -leur génitrice, Rébecca Campeau ?- ce qui renforce l'air de famille évoqué plus haut.

Des trognes
Des trognes

Leur point commun pourrait être ce petit air suranné qui les place hors d'un temps déterminé. Néanmoins, tous différents, chacun présentant un petit quelque chose qui en fait un être unique. Cette différence étant particulièrement évidente dans ce qu'elle appelle ses "trognes", où seules des têtes sont côte à côte : chez les uns, abondent les grands fronts dégarnis, les bacchantes rousses et autres sourcils abondants. Pour d'autres -parfois, d'ailleurs pour les mêmes- visages poupins, maigres, épanouis, saillants, enfoncés… nez pointus, pincés, épatés, camus… bouches mignardes, pulpeuses, arrondies en culs de poules, serrées, largement fendues au contraire… mentons proéminents, effacés, en galoche… yeux francs, directs, rusés, doucereux, chafouins… On pourrait à l'infini déterminer les traits complémentaires, opposés, similaires, personnalisés… de cette horde de trognes et se demander en quelle école de la vie cette artiste a pu apprendre à connaître si bien le caractère humain ! Subséquemment, telle la foule massée autour d'un même centre d'intérêt, il est impossible de donner une définition rédhibitoire des créations de Rébecca Campeau.

Quelques expressions
Quelques expressions

            Qui va, fil-de-férant les ossatures de façon à pouvoir varier les postures de ses personnages ; clonant, cousant, brodant, dentelant, peignant, maquillant… ici accusant une ressemblance lorsqu'elle se lance dans une série de célébrités ; là, leur donnant des allures coquines, provocantes comme les protagonistes de la série "sex-tile", etc.

            Et puis, les gardant autour d'elle ou les envoyant de par le monde, de musées en galeries, de lieux publics en lieux privés… Vivant ainsi de, par, avec ses étranges compagnons ! Toutes attitudes qui, au cours de ces trois décennies, ont fait d'elle une figure de proue de l'Art textile dans le monde.

                                                                 Jeanine Smolec-Rivais

                                                                 Mai 2012.