DEDE MACCHABEE, DE SON DROLE DE NOM A SES DROLES DE PEINTURES !

***** 

           "Jeanine Rivais : Dédé Macchabée, quel drôle de nom ! "Dédé" qui est ambivalent, puisqu’il peut aussi bien désigner un homme qu’une femme. Et Macchabée, qui est très évocateur…

          Dédé Macchabée : C’est bien sûr un pseudonyme. Il est parti d’un fanzine que je faisais autrefois avec une amie. A cette époque-là, nous n’étions pas riches et nous ne pouvions pas faire imprimer nos dessins. Mais déjà, nous adorions les films d’horreur, et nous allions toutes les semaines au cinéma pour voir  des macchabées".

          Ainsi commençait, en 2003 un entretien qui se révéla être un modèle d'humour avec la jeune (née en 1970, elle avait donc 33 ans) Dédé Macchabée qui participait à la mémorable exposition "Le Printemps des Singuliers" organisée par Nadine Servant près du Canal Saint-Martin ! En quinze ans, cette artiste tellement originale a-t-elle vieilli ? Peut-être un vilain cheveu blanc se promène-t-il ici ou là dans sa chevelure ? Une ridule, peut-être, au coin de ses yeux malicieux ? Qui sait ? Mais une chose est claire, c'est que sa peinture, elle, n'a pas pris une ride. Que, comme les personnages qui la constituent, elle ne vieillit pas. Que ses annonces, lorsqu'elle prépare une exposition dans l'un des lieux bizarres dont elle a le secret, (restaurants, cafés, et même la fameuse Tour Martine à Sancerre qui s'ouvre… quand la tenancière en a envie…), ses annonces donc ont gardé toute la naïveté de naguère, cette façon qu'elle a d'écrire à son sujet à la troisième personne ("Dédé va exposer à tel endroit", "Dédé sera là de telle heure à telle heure", etc.). Même l'absence d'espace entre les mots, et les fautes d'orthographe sont inchangés. Heureuse Dédé Macchabée, radieuse comme au premier jour, vivant au quotidien avec ses gentils monstres, et sachant faire partager à qui la visite, son enthousiasme et sa gaieté ! 

     Ces gentils monstres, qui sont-ils donc ? A l'évidence, ce sont des allochtones, venus du lointain cosmos, avec toutes les variantes imaginables de têtes, groins ou visages fins, becs pointus ou joues mafflues, gros yeux blancs dépourvus de cils et de sourcils, trompes ou mufles d'ursidés, filiformes ou patauds, bipèdes ou aériens, toujours plantés sur leurs jambes arrière… tous dotés de membres longs et minces. Il est rare que l'on voie leurs pieds, car ils sont toujours "dans" ou "derrière" : le tonneau des vendanges, la nacelle de la grande roue, la table du pâtissier… ; mais leurs mains sont à quatre doigts, et même parfois, comme '"Edward aux mains d'argent" (¹), (ce qui atteste que Dédé continue à aller au cinéma ! ) avec des doigts/peignes, ciseaux, brosses, etc. Humanoïdes ou plus ou moins animaliers, mais quel que soit leur aspect, vu l'activité qu'ils déploient dans chacun des tableaux, il est manifeste qu'ils sont dotés d'un cerveau pour concevoir les activités ordinaires des Terriens, d'un cœur pour s'aimer les uns les autres car assurément ils vivent en parfaite harmonie ; et que, contrairement aux populations citadines hyper-nombreuses, à l'atroce destinée, de "Soleil vert" (²), les petits monstres de Dédé Macchabée ne vieillissent pas, leur population est donc censée s'accroître, mais néanmoins leur monde est riant, la nature est généreuse, l'air est pur et les ressources sont infinies ! 

     Par ailleurs, s'il est vrai qu'une peinture narrative accueille un temps, une histoire dans son espace, dans ses deux dimensions, alors, celle de Dédé Macchabée l'est résolument, où s'alignent au long de rues pavées, de gentilles maisons aux toits pentus ; où les vignobles recouvrent les coteaux au sommet desquels se dresse la tour séculaire au milieu du village ; où les variations climatiques sont présentées successivement ; où les scènes sont séparées par des arbres et des architectures, tandis que la continuité de l’œuvre est assurée par les nuages, rivières serpentines, petites bulles, fragments d'arcs-en-ciel, ou pans de rideaux, etc. ; tous éléments dans lesquels se retrouvent les mêmes personnages répétitifs ou leurs clones.

          Mais cette peinture peut être érotique, également ; quand Dédé Macchabée explore les variantes du "Kama Sutra", ses personnages adoptent des postures gymniques sans équivoque, où s'enchaînent fellations, succions, bécots sous les couvertures, enlacements, coïts…  afin de mettre un peu de piment dans l'intimité de ce petit monde ; sur fond d'arbres édéniques ou de "Fuji Yama" (Dédé n'étant pas à un mélange géographique ou ethnique près !)

          Expériences qui mettent à mal les déclarations de nombre de visiteurs affirmant, parce qu'elle est très colorée, ludique, gaie, naïve, proche du dessin animé, que la peinture de cette artiste est une peinture pour les enfants ! Malheur à eux ! Car ne dit-elle pas, dans l'entretien déjà évoqué : "Maintenant, je suis une adulte : je suis un être libre, sans Dieu, et sans Maître… Et j’emmerde ceux qui disent que je fais de la peinture pour les enfants…". Mais s'il est indéniable que les enfants s'amusent, s'exclament en regardant ses tableaux, ses musiciens en folie (elle-même est musicienne !), ses travailleurs manuels, ses androïdes volants, ou ses ingénieurs stellaires, il est non moins évident que ses œuvres témoignent, par leur cohérence, par la perfection de leur réalisation, d'une réflexion poussée sur sa création. Sans laquelle ce "monde enchanté", étrangement poétique, cette capacité du plaisir, ce savoir sublimer les paysages la forêt notamment, cette façon bien à elle de témoigner sans en avoir l'air de la réalité quotidienne humaine, ne seraient sans doute pas les éléments incontournables de cet univers atemporel, tellement singulier, qui font de leur auteure une artiste inclassable ! 

JEANINE RIVAIS

(¹) Film de Tim Burton.

(²) Film de Richard Fleischer.

 

VOIR AUSSI : MACCHABEE DEDE : ENTRETIEN AVEC JEANINE RIVAIS : http://jeaninerivais.jimdo.com/ Rubrique RETOUR SUR LE PRINTEMPS DES SINGULIERS 2003

Et TEXTE DE JEANINE RIVAIS : "DEDE MACCHABEE, DE SON DROLE DE NOM A SES DROLES DE PEINTURES !" :  http://jeaninerivais.jimdo.com/ Rubrique ART SINGULIER.

 *****

***

*

Quinze ans ont donc passé depuis que Dédé Macchabée avait prononcé la phrase concernant "la peinture pour enfants". Voici ci-dessous sa réaction en la relisant : 

 

Chère Jeannine Rivais,

Quelle joie de vous lire!

Merci beaucoup pour votre gentil mail et votre chouette article.

J’aimerais juste rajouter quelque chose,ou plutôt revenir sur une phrase que j’ai écrite il y a quinze ans et que vous citez à nouveau,phrase que je trouve maintenant un peu agressive.

Ma vision a quelque peu changé après toutes ces années.

Si je devais la reformuler aujourd’hui,je dirais:

« Maintenant,je continue à grandir,en essayant de rester libre,toujours sans Dieu et sans Maître ,en combattant mes peurs sans relâche,et je plains ceux qui disent que je fais de la peinture pour les enfants: je plains ceux qui ont perdu cette capacité d’émerveillement sans laquelle on devient des êtres secs,froids et dépourvus de spontanéité.

Je trouve  de plus cela totalement réducteur pour les enfants,dont certains sont capables d’apprécier de la peinture dite « pour adulte ». 

Pour moi, cet étiquetage est juste absurde si on se considère comme un être entier.

Voilà! c’est tout! (mais c’est beaucoup! et j’y tiens)

Soit dit en passant,j’entend de moins en moins cette remarque,ce qui me réjoui,car j’en déduis que les gens sont en quête de merveilleux. et ça, c’est bon signe,malgré la noirceur ambiante.

Je vous souhaite de rester toujours aussi enthousiaste,curieuse, active,c’est stimulant et réjouissant!

Je vous embrasse,en espérant recroiser votre route un de ces quatre!

Dédé

 (je vous envoie une photo de pied de monstre,comme vous pouvez le constater, ils n’ont que trois doigts,mais ça leur suffit pour continuer allègrement leur route!!)