ISABELLE SANAÏTIS, SCULPTEUR

Entretien avec Jeanine Smolec-Rivais

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Jeanine Smolec-Rivais : Votre nom est à consonance grecque. Est-ce votre cas ?

            Isabelle Sanaïtis : Oui. Mon père est grec. Et, d'ailleurs, je signe en grec.

 

                J.S-R. : Peut-on dire que vous partez d'éléments préexistants, la plupart du temps artisanaux, et que vous les décorez ?

            I.S. : Pas du tout ! Je suis plasticienne, il n'y a rien d'artisanal.

 

                J.S-R. : C'est donc vous qui créez les mannequins ?

            I.S. : Oui, je les fais en mousse expansée…

 

J.S-R. : Donnez-moi la définition de votre travail ?

            I.S. : C'est une technique mixte. C'est-à-dire que je suis plasticienne, et qu'il y a beaucoup de récupération ! Je travaille la résine, la peinture, le papier. J'ai énormément de pièces rapportées, de choses existantes, des choses que je moule. Puisque c'est une technique mixte, plus j'apprends de façons de travailler, plus j'ai envie de travailler avec plusieurs techniques sur le même objet. Mes pommes sont en bois, je les ai sculptées, je suis une touche-à-tout !

 

                J.S-R. : Il me semble que vous avez deux façons d'exprimer ce "touche-à-tout" : certaines de vos œuvres sont à l'air libre et donnent l'impression de vouloir s'épancher ; et d'autres sont sous cloche ?

            I.S. : Oui. C'est mon côté "Cabinet de curiosités" !

 

                J.S-R. : A première vue, il me semblait que vous vous intéressiez surtout à la silhouette humaine, mais je m'aperçois que vous restez parfois au niveau d'un tabouret couvert de vilaines bestioles ! Ou bien, certains de vos petits personnages ont des allures de robot.

            I.S. : Tout cela se passe dans ma tête ! C'est une question d'imagination que je reporte sur mes œuvres. Je ne pars pas avec l'idée de quelque chose d'aérien, ni autre chose ! Je m'amuse. En fait, je suis en récréation !

 

                J.S-R. : Ce qui me faisait dire que certains avaient des idées d'expansion, c'est qu'ils "voyagent" à travers le monde : vous avez un masque khmer, par exemple. Pour tous, on pourrait rechercher des influences culturelles…

            I.S. : Ah ! Vous voyez ce que vous voulez, dedans ! Chacun voit ce qu'il a envie, c'est le propre de l'art ! J'aime bien que chacun fasse fonctionner son imaginaire !

                J.S-R. : Celle que je vous proposais est tout de même très connotée : c'est vraiment une tête khmer que vous avez reproduite ! Pour d'autres, les influences sont moins évidentes ; mais le fait que vous les ayez recouverts d'une multitude de petits objets leur confère des airs un peu martiens ? Extraterrestres, du moins ?

            I.S. : Je dirai plutôt que c'est mon côté mythologique. Mon côté "la femme à tête de serpent" ! La Gorgone.

 

                J.S-R. : Pour revenir à vos mannequins, vous les avez entièrement réalisés ? Pourquoi cette volonté de leur donner l'aspect de mannequins d'un magasin ?

            I.S. : Parce que je trouve que pour faire des silhouettes, c'est tout de même plutôt pas mal !

 

                J.S-R. : Ce n'est pas évident, parce qu'ils n'ont ni bras, ni jambes, ni têtes ! La tête est rajoutée. Vous avez donc voulu représenter des corps, uniquement des corps ?

            I.S. : Je n'ai pas voulu représenter des corps ! Ni même représenter des têtes. Tout se passe dans ma tête. Je pars d'une chose et je la fais, et à un moment donné, j'estime qu'elle est terminée. Et comme je vous l'ai dit, ce que vous, vous avez envie de voir, vous le voyez ! On peut aussi enlever les pieds et les poser sur un meuble.

                J.S-R. : Il me semble quand même que, pour certains, on va de la chose la plus élégante à la chose la plus morbide, en particulier vos petites grenouilles qui se promènent dans la mousse, et que je trouve terrifiantes !

            I.S. : On en revient à ce que je dis : c'est "votre" vision des choses !

 

                J.S-R. : Oui, je vous l'accorde !

            I.S. : Parce que, des grenouilles dans la mousse, je ne trouve pas cela terrifiant, je trouve cela plutôt normal !

 

                J.S-R. : Oui, mais cette mousse !… En fait, c'est un porte-jarretelles ?

            I.S. : Absolument ! C'est une œuvre sado-maso !

 

                J.S-R. : Et pourquoi des ajouts d'écriture sur certains ?

            I.S. : Parce qu'ils sont à la place de l'organe du nez. Sur chaque tableau, est marqué un organe ; et les écritures sont placées à la place de l'organe.

                J.S-R. : Quel est le rôle de cet ajout qui fait doublon ?

            I.S. : Il ne faut pas que vous me questionniez ainsi sur mes œuvres, parce que je ne peux vous les détailler à ce point-là ! Parce que, comme je vous le dis, tout sort de ma tête, c'est mon imaginaire ! Si vous prenez chaque œuvre en me demandant pourquoi vous avez mis un Indien, pourquoi vous avez mis une tête, pourquoi vous avez mis un tableau, pourquoi vous avez mis une plume…

 

                J.S-R. : Je n'irai pas jusque-là !

            I.S. : Pourquoi ? Parce que…

 

                J.S-R. : Bon, ce sera le mot de la fin !

           

ENTRETIEN REALISE A CHANDOLAS, AU FESTIVAL BANN'ART ART SINGULIER ART D'AUJOURD'HUI 2012.