NABARUS, peintre

Entretien avec Jeanine Smolec-Rivais

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Jeanine Smolec-Rivais : Nabarus, quelle est votre définition de votre travail ?

            Nabarus : En un mot, c'est impossible !

 

                J.S-R. : Mais je n'ai pas demandé en un mot ! Vous pouvez le développer autant que vous le souhaitez !

            N. : J'ai plusieurs façons de travailler, plusieurs méthodes, d'où la diversité de mes propositions.

 

                J.S-R. : Il me semble tout de même que l'on peut les rapprocher en deux parties…

            N. : Je dirai trois !

 

J.S-R. : Moi, je voyais les humains, et ensuite ce que l'on pourrait appeler les paysages, les villes, les cités… Quelle est votre troisième ?

            N. : Les maisons, les portraits et les monotypes. Parce qu'une partie de mes œuvres sont de la gravure.

 

                J.S-R. : Donc, pour vous c'est par la technique que vous faites la différence, plutôt que par le thème ?

            N. : Oui, je suis bêtement technicienne !

 

J.S-R. : Moi, je voyais surtout les thèmes. Parlez-moi de vos paysages : je dirai qu'ils semblent dans une concentration extrême, telles que l'on pourrait voir les mégapoles contemporaines, mais tout de guingois !

            N. : Voilà !

 

                J.S-R. : Pourquoi sont-ils de guingois ?

            N. : Je trouve qu'esthétiquement, c'est plus intéressant quand c'est un peu tordu. Mais c'est vraiment un parti-pris personnel. Je pense que cela apporte plus de poésie que lorsque c'est rectiligne. Du moins, est-ce ma façon de le voir.

 

                J.S-R. : En même temps, la concentration s'impose par les jeux de couleurs.

            N. : Oui. Ces jeux de couleurs peuvent faire penser à du patchwork. Ou à des constructions rapiécées, comme ces maisons qui sont faites en plusieurs fois, au fil des années.

                J.S-R. : Maintenant, côté portraits : vous avez souvent deux personnages, parfois même trois têtes. Pour celui-là, on pourrait dire trois têtes en un seul personnage ?

                D'autres fois, vous en avez un seul ; mais dans l'un et l'autre cas, ils sont carrément au centre du tableau, et tout autour, vous laissez un fond non signifiant. A l'exception de votre trio de tête où le fond est tellement peaufiné qu'il rend parfaitement le sentiment que c'est de la pierre. Pourquoi ce parti-pris ?

            N. : Là, je n'ai hélas, aucune explication. Souvent, dans mon travail, je ne réfléchis pas ou peu. Les choses s'imposent. Je me laisse traverser. Je n'explique pas, je n'ai pas envie d'expliquer. Désolée !

 

                J.S-R. : Mais vous avez le droit de dire ou ne pas dire, ou ne pas vouloir dire !

            N. : C'st très bien ainsi.

                J.S-R. : Dans ce qui est la peinture, sauf pour ce personnage qui serait masculin, mais serait vêtu de vêtements féminins, mais dans vos monotypes en tout cas, on peut dire que vous n'avez que des noirs et des bruns ?

            N. : Voilà ! C'est la raison pour laquelle je scinde mon travail en deux, parce qu'il y a deux façons, deux techniques différentes. Qui font deux résultats différents.

            Il y a un point commun à tout mon travail : je me laisse guider par ce que j'ai dans les mains. Du coup, il va y avoir tout plein de propositions et de solutions. Je n'impose pas à la matière, disons !

 

                J.S-R. : Parfois, vos personnages sont très rudimentaires, comme ces trois qui sont dans un petit bateau…

            N. : Graphiques…

 

                J.S-R. : Si vous voulez, mais dans mon idée, "rudimentaires" n'avait rien de péjoratif. Ce que je voulais dire, c'était qu'ils n'étaient pas fouillés, pas longuement travaillés ; alors que d'autres fois, comme pour cette femme, vous avez beaucoup travaillé son corsage. Elle est si nette que l'on dirait une photo.

            N. : C'est qu'il y a aussi des collages. Pour les portraits, c'est toujours un assemblage de collages et peinture.

 

                J.S-R. : Que vous avez pris dans un tableau célèbre ?

            N. : Non, dans un magazine de mode. Et c'est justement la mixité de ces deux éléments qui fait vibrer le tableau. L'un et l'autre se parlent, et se répondent bien. Dans les tableaux où il n'y a pas de collages, l'effet n'est pas le même. C'est difficile à expliquer avec des mots !

                J.S-R. : Bien sûr ! Vous êtes dans votre création, et je vous prends au dépourvu…

            N. : Oui, un peu…

 

                J.S-R. : Mais c'est aussi le jeu !

            N. : Oui, et ce n'est pas mal d'être un peu déstabilisée !

 

 

            ENTRETIEN REALISE A BANNE DANS LES ECURIES, AU FESTIVAL BANN'ART ART SINGULIER ART D'AUJOURD'HUI 2012.