CHLOE COTTALORDA, peintre et sculpteur

Entretien avec Jeanine Smolec-Rivais

*****

                Jeanine Smolec-Rivais : Tout autour de nous, nous avons une foule de petits personnages qui sont tous des humains, mais dont certains ont des allures plutôt surprenantes !

            Chloé Cottalorda : Effectivement, soit ils ont un membre manquant, soit ils sont estropiés… Ils sont marqués, marqués par la vie.

 

                J.S-R. : Nous sommes donc dans le monde du handicap, mais du handicap considéré avec humour ?

            C.C. : Exactement !

 

                J.S-R. : En conséquence, quelle est votre définition de votre travail ?

            C.C. : Ma définition ? Ce n'est pas facile, mais j'aime bien, justement, travailler sur l'humain, sur les rapports entre humains, sur les relations qui peuvent s'installer entre les humains…

 

                J.S-R. : Vous avez deux productions, dont l'une en deux dimensions : c'est de l'encre ?

            C.C. : Non, pas du tout, c'est de la grisaille.

 

                J.S-R. : Qu'appelez-vous ainsi ?

            C.C. : C'est une technique qui consiste à cuire des oxydes métalliques dans lesquels il y a du plomb. Il faut les cuire à 610°, et cela s'incruste dans le verre. La grisaille est plutôt opaque et mate, alors que l'émail est transparent et souvent en couleurs.

 

                J.S-R. : En fait, l'image n'est donc pas derrière le verre, elle est sur le verre ? C'est comme le principe des vitraux ?

            C.C. : Exactement.

 

                J.S-R. : Mais n'est-ce pas nocif, de travailler avec du plomb ? Je connais des artistes qui ont eu de graves problèmes et ont dû renoncer ! Vous travaillez avec un masque ?

            C.C. : Ah non ! Ce n'est pas supportable !

                J.S-R. : Tous vos personnages sont, effectivement, dans une disproportion. Les uns ont des jambes fildefériques, les autres ont un bras ou un sein hypertrophiés, un autre a une tête d'oiseau… Comment choisissez-vous leur handicap ? Et ensuite, comment décidez-vous d'en rire, puisqu'en fait, là est le problème !

            C.C. : A vrai dire, je n'en sais rien. Je crois que je trouve un équilibre dans leur déséquilibre ?

 

                J.S-R. : Pourrait-on dire que deux d'entre eux, que vous avez placés côte à côte, sont des siamois ?

            C.C. : Non ! En fait, c'est plutôt une question d'ombre ! Dans mon esprit, devant est le personnage réel, et derrière ce qui pourrait être peut-être pas sa conscience, mais…

 

                J.S-R. : Son alter ego ?

            C.C. : Voilà !

 

                J.S-R. : Nous avons l'air de rire, en voyant vos personnages ; mais il me semble que finalement, votre travail est très pessimiste.

            C.C. : C'est un peu clown triste, effectivement ! Oui !

 

                J.S-R. : Vous êtes bien jeune pour voir ainsi les choses en noir ! En fait, vous les appelez "grisaille", mais pour le spectateur, elles paraissent en noir et blanc. L'envie ne vous est jamais venue de travailler en couleurs ?

            C.C. : Si, avant je travaillais en couleurs, mais plus maintenant.

 

                J.S-R. : Et pourquoi avez-vous renoncé ?

            C.C. : Je ne sais pas non plus. Ce que je sais c'est que cette démarche me convient maintenant.

 

                J.S-R. : Est-ce parce que vous trouvez que le handicap que vous créez est plus évident en noir et blanc qu'en couleur ? Que la couleur le détournait un peu ?

            C.C. : Non, parce qu'en couleur, je ne travaillais pas sur le handicap. C'étaient deux périodes tout à fait différentes. En fait, c'est la technique qui s'est imposée à moi. Le noir et blanc ; la grisaille/brun ; toujours des couleurs un peu grisées.

 

                J.S-R. : Et quand vous ajoutez des mots, des sonorités ; que vous ajoutez "blablabla" à l'infini, cela signifie-t-il que vous donnez au spectateur la consigne de ne pas prendre ce travail au sérieux ; de le regarder en riant ? Que vous avez parlé pour ne rien dire ?

            C.C. : Non. C'était plutôt le contraire : la personne seule face à la foule. La foule qui blablate autour d'elle, qui est dans son coin et réfléchit.

                J.S-R. : Donc, là, vous rejoindriez le problème de la solitude ?

            C.C. : Oui, c'est l'idée.

 

                J.S-R. : Parlons de vos petites sculptures que je trouve amusantes, et en même temps tristes à pleurer. En quelle terre les créez-vous ? Et à quelle température ?

            C.C. : C'est du grès. Parfois elles sont chamottées, d'autres fois non, cela dépend de leur taille. Je fais une première cuisson biscuit à 900/950°. Puis, viennent les engobes pour tout ce qui est détails.

 

ENTRETIEN REALISE A BANNE DANS LES ECURIES, AU FESTIVAL BANN'ART ART SINGULIER ART D'AUJOURD'HUI 2012.