MURIEL GABILAN, peintre

Entretien avec Jeanine Smolec-Rivais

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Jeanine Smolec-Rivais : Muriel Gabilan, comment définissez-vous votre travail ?

            Muriel Gabilan : Je laisse venir des visions intérieures, je ne sais jamais ce que je vais représenter avant de peindre. C'est donc un univers onirique, imaginaire, en rapport avec le sens du sacré, avec beaucoup d'apparitions animales, parce que j'aime bien l'univers animal.

 

                J.S-R. : En découvrant votre travail, on a l'impression d'être dans le cosmos ! Un cosmos extrêmement coloré, mais jamais en couleurs violentes. Donc, ce serait "mon doux cosmos" ?

            M.G. : Oui, tout à fait, c'est vrai !

 

                J.S-R. : On y voit les astres en train de tourner. Vous avez évoqué le sacré, ce qui m'avait échappé !

            M.G. : Mais c'est un sacré qui passe par la terre, avec les animaux. C'est animiste, dirons-nous. Ce ne sont pas des anges ou des choses très célestes, ce sont des forces au contact de la nature, du moins est-ce ainsi que je le sens. Tout ce qui peut me faire voyager dans un autre monde.

 

                J.S-R. : Ce que vous appelez "sacré" était pour moi de l'humour !

            M.G. : Ah ! D'accord !

 

                J.S-R. : Par exemple sur l'œuvre où nous avons une spire vraiment très esthétique, très peaufinée, l'apparition de ce hérisson avec ce qui pourrait être une traîne, me semble plus humoristique que sacrée.

            M.G. : C'est pourtant du sérieux ! Il me semble qu'avec ce petit hérisson, il peut y avoir tout un univers qui peut être très poétique.

 

                J.S-R. : De même pour une autre œuvre où, au lieu d'être dans une spirale, vous êtes dans une verticale, mais une verticale irrégulière, avec des retombées, des lignes qui se croisent, se rejoignent. Et au milieu, vous avez placé un… cœlacanthe ? Un poisson, en tout cas ?

            M.G. : Vous voyez un poisson ? Pour moi, c'était plutôt un animal de l'ordre équestre, cheval sans que ce soit un véritable cheval parce qu'il a de toutes petites oreilles. C'est un animal imaginaire ! Je le voyais avec son cou et le corps…

 

                J.S-R. : Ah ! j'avoue ne pas avoir vu le corps. Je n'ai vu que la tête et ce que j'ai pris pour des nageoires ! Le reste faisant partie du décor. Ceci dit, votre cheval a tout de même une drôle de tête !

            M.G. : Bien sûr, puisqu'il est complètement imaginaire.

 

                J.S-R. : Parfois, vos œuvres sont conçues tout à fait différemment, parce que dans les deux que nous venons d'évoquer l'animal naît non pas du chaos parce que votre travail est tellement organisé, mais du mouvement. Tandis qu'ailleurs, les animaux sont au centre. On dirait que c'est d'eux que part votre mouvement cosmique.

            M.G. : Cette idée est intéressante ! Moi, je n'ai pas le recul nécessaire pour l'analyser. Mais il est vrai que l'oiseau porte l'arbre avec lui. Il est dans l'arbre, enfin si c'est un arbre ?

 

                J.S-R. : Moi, j'avais vu un paon !

            M.G. : Oui, en fait j'aime bien les paons, d'ailleurs il y en a un autre. Mais je ne cherche pas à faire des choses logiques ; donc à partir de là, chacun peut y voir ce qu'il veut.

 

                J.S-R. : Le regard devient très subjectif.

            M.G. : Tout à fait ! Sur un autre tableau, le loup est plus posé, il sait où il va, il est petit mais…

                J.S-R. : Mais en même temps, une orbe part de lui. Une ovoïde plutôt qu'une orbe. Et, dans chaque tableau, j'ai employé le mot "peaufiné", mais c'est de la dentelle, un travail extrêmement fin. Je vous imagine bien le nez collé sur votre travail, en train de rajouter des détails. Des détails qui nous ramèneraient prosaïquement vers une couturière, par exemple. Ou une brodeuse ?

            M.G. : En général, ces toiles sont très spontanées. Je fais les esquisses sur de grandes feuilles blanches. Je me lance sans savoir ce que je vais faire. Et tout à coup, quelque chose apparaît. Un animal, par exemple, qui part chaque fois d'un mouvement très spontané. Ensuite, je les reprends et je les retravaille sur des tissus. Je reprends, en somme, cette expression première, et je la rends plus peaufinée. Mais au départ, c'est quelque chose de très gestuel. Je pourrais présenter ces esquisses, mais comme j'aime bien les choses très finies, je n'ose pas. Parfois, d'ailleurs, elles sont plus fortes que le travail fini, parce qu'il y a un côté plus spontané.

 

            ENTRETIEN REALISE A BANNE DANS LES ECURIES, AU FESTIVAL BANN'ART ART SINGULIER ART D'AUJOURD'HUI 2012.