NATHALIE JACQUES, peintre

Entretien avec Jeanine Smolec-Rivais

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Jeanine Smolec-Rivais : Nathalie Jacques, quelle est votre définition de votre travail ?

            Nathalie Jacques : Je fais du collage, sans que cela soit vraiment du collage. C'est plus que cela, j'écris. Je fais ce que j'appelle des tableaux-livres : Je fais des tableaux auxquels est mêlée de l'écriture. Je crée des livres-objets et des moulins à prières. Sur certains, sont écrits en miroir de petites prières, de petites pensées que j'ai imaginées.

 

                J.S-R. : Quand j'ai vu votre travail, j'ai tout de suite pensé à un monde vu avec une lorgnette –ce qui, bien sûr, n'a rien de péjoratif ! Un monde à regarder petit bout par petit bout. A un moment donné, on recolle tous ces petits bouts, et cela reconstitue le monde !

            N.J. : Je dis toujours que, pour moi, c'est secret. Des secrets que je cache sous le tableau. Et quand j'assemble des petits tableaux, j'ai l'impression de dévoiler des choses à demi, ou entièrement, mais qu'il faut toujours s'approcher pour les voir. Pour les découvrir. Dans l'écriture également. On voit une globalité, et on s'approche pour voir les détails…

J.S-R. : Vous fonctionnez donc à l'inverse de ce que je fais : je suis partie d'un petit carré pour parvenir à l'ensemble. Tandis que vous, vous partez de l'ensemble pour en venir au détail ?

            N.J. : Pour le regard du visiteur.

 

                J.S-R. : Vous n'employez pratiquement que des couleurs de terre ?

            N.J. : Oui, mais je crois que c'est quelque chose d'inconscient. Je crois que c'est la terre qui m'appelle, cette couleur qui vient me chercher. Chez moi, j'ai toutes sortes d'encres et de couleurs, mais à la fin je retombe toujours sur les mêmes teintes sur mes papiers.

                J.S-R. : Vous dites "mes papiers" : ils sont marouflés sur bois ?

            N.J. : C'est du papier que je rapporte du Népal, qui est très fin, transparent. Je le teinte au départ avec du brou de noix, puis avec différentes couleurs.

 

                J.S-R. : Mais pour créer cette impression d'épaisseur, vous le marouflez ?

            N.J. : Non, il est collé. Je pars de châssis entoilés. Je mets dessus ou du tissu, ou du papier Canson ou encore du papier de soie qui je froisse ; ce qui donne le relief. Des fils de soie par-dessus, des tissus, de la dentelle…

 

                J.S-R. : Des petits fils de fer… Une rose : que vous apportent ces ajouts ? Est-ce pour le côté sophistiqué ? Parce que vous dites "des fils de soie", donc des ajouts précieux…

            N.J. : Ce sont, en effet des fils de soie. Je crois que c'est ce côté précieux, mais je ne saurai pas trop expliquer les raisons de ces choix.

                J.S-R. : C'est un travail curieux, parce qu'il est à la fois apaisant et stimulant ; lorsque l'on est sur un carré, on a envie d'aller sur l'autre, pour voir s'il est soit antithétique, soit supplémentaire, complémentaire, redondant… En fait, c'est toute une démarche ! Donc, on part bien de "mon" petit carré !

            N.J. : En effet ! Par ailleurs, je n'ai pas pu le montrer ici, mais ils sont recto-verso.

 

            ENTRETIEN REALISE A CHANDOLAS, AU FESTIVAL BANN'ART ART SINGULIER ART D'AUJOURD'HUI 2012.