LES ROBOTS DE DIMITRI RIZOPOULOS

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     S'agit-il, pour Dimitri Rizopoulos, de s'évader d'un quotidien contraignant ? Ou bien cet artiste a-t-il gardé son âme juvénile et continue-t-il d'être friand d'histoires cosmogoniques ? Ou bien, au contraire, entièrement plongé dans l'actualité, veut-il opposer ses robots à ceux que les techniciens annoncent pour remplacer l'homme dans le plus proche avenir ? Ou bien encore est-il l’ethnologue imaginatif de peuplades étranges qui seraient, pour les Terriens, des mutants ?

     Car l'univers de cet artiste n'est pas seulement ludique. Constitués de tous éléments de récupération, ses robots, loin de n'être que des jouets, semblent avoir pour rôle de clouer au pilori une civilisation de consommation et de gaspillage qui ne lui convient apparemment pas.

          D'autant que concevoir de tels "personnages" implique qu'il y ait l'idée, le concept. Et puis, la relation entre ce concept et les possibilités du matériau. Cette relation amène le matériau à accroître la lisibilité de l'idée. Il ne s'agit pas que du matériau. Il ne s'agit pas non plus que de l'idée. Mais de la dualité des deux choses. 

          A laquelle s'ajoute l'intervention de l'artiste, la façon dont il recompose les éléments disparates, assure l'homogénéité du corps, organise chacun des membres ou des organes retravaillé, ornementé avec beaucoup de patience et d’amour ; réuni à d’autres en parfaite harmonie. Car, malgré leur raideur, se dégage d’eux une grande convivialité : au-dessus de leurs corps puissants, taillés à l’emporte-pièce, leurs visages sont indifféremment ronds, carrés, tarabiscotés… toujours bon-enfant. Et leurs anatomies massives et sophistiquées, faites de mille ajouts aux formes variables, sont posées là, face au spectateur, avec une tranquille certitude.

          D ‘autant encore que rien de gratuit, aucune facilité qui jouerait sur l’attirance générée par les nuances métal/rouille/bois, etc., n’a présidé à leur conception. Comme un mathématicien constructiviste, l’artiste raisonne, compose telles des équations, ses jeux de nuances, ajoute piques, grilles, tubes, manivelles…, superpose des formes, jusqu’à ce que prévale le charme absolu de ces couleurs opalines venant d'un casque de coiffeuse, bruns d'une demi-roue, de ces luminosités douces ou intenses qui indiquent les points de vision ou de communication, de ces brillances métallisées… combinées à d'infimes touches, à des dégradés de gris et de bruns : mêlant en somme à de précieux moments de silences, des espaces d’intense animation : n’est-ce pas là l’image de la vraie vie ? Et chaque personnage ne devient-il pas à lui tout seul une véritable histoire? 

 

          Car la démarche de Dimitri Rizopoulos est plus littéraire qu’architecturale ! Mais une littérature infiniment poétique ! Une poésie qui se situe dans la tendresse et dans l’humour ! Une écriture scripturale jubilatoire qui émoustille l’imaginaire du spectateur, le ramène lui aussi aux jours heureux de son enfance. Et, dans le même temps, l’emporte vers les lointaines galaxies où règnent les plus folles fantasmagories et où se retrouvent les véritables créateurs.

 Jeanine RIVAIS

 

TEXTE ECRIT SUITE AU BIZ'ART FESTIVAL 2017 DE HAN-SUR-LESSE EN BELGIQUE.