LES FANTASMAGORIES HUMANO-ANIMALIERES D'ASTRID LAVIEVILLE

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"Nous sommes le seul animal qui soit surpris de l'univers, et qui s'étonne tous les jours de n'en être pas plus étonné". Rivarol

          Les montures d'Astrid Laviéville seraient-elles originaires du Monomotapa, cet empire mythique, où depuis la nuit des temps, nombre de poètes rêvent de se rendre à cause de l'éloignement qui lui confère un aspect chimérique où tout est possible ? Il serait vain de croire, en tout cas,  qu'elles ne soient bêtement que des erreurs de la nature ! Car, avant même de les avoir détaillées, le spectateur est conquis par leur étrangeté, leur côté obscur, incertain, qui les rattache à un art vernaculaire, les ancre dans les mythologies où leur rôle était récurrent et omniprésent ; dans les croyances et les traditions ; et fait d'elles de véritables animaux philologiques ! 

Qui plus est, quel zoonyme qualifierait le mieux ces étranges bêtes ? Si leur silhouette générale fait de toutes des quadrupèdes à membres raides, sans genoux ni pieds, ces pattes sont groupées chez les uns au milieu du ventre ; chez les autres elles sont placées comme chez les animaux communs, partant de la croupe et des épaules. Le corps en amande de certains animaux et leurs longs cous fins portant une tête unicorne parfois, ou avec une crête et un bec, les rattache à des oiseaux, des autruches peut-être, n'était qu'elles n'ont pas d'ailes pour leur servir de balancier ! Quant aux autres, au cou épais, les uns ont une tête de chameau, d'autres de mouton à longues oreilles pendantes !! Et quelle que soit la famille à laquelle ils appartiennent, tous ont de petits yeux comme des billes noires ; et une robe bicolore, à larges taches noires et blanches. Et tous sont apparemment domestiqués puisque leurs cavaliers sont à l'évidence à l'aise sur leur dos ! 

Il faudrait alors, pour répondre à la question du zoonyme, se faire savant et parler d'ornithonymie, de struthionymie, d'ovinonymie,de camélonymie, etc. Bref reconnaître que ces animaux provocateurs vous font perdre votre latin  ! 

 

Ensuite, que dire des caravaniers : sont-ils des méharis ? des cavaliers ? des écuyers ? des amazones… puisque, s'ils sont tous des humains, certains sont assurément masculins, d'autres féminins ; mais tous portent une robe ! Et eux, sont faciles à classifier, car indubitablement, ils appartiennent à une caste aisée, à en juger par leurs coiffes sophistiquées, les broches qui ornent le devant de leur vêtement… Et si tous ont des visages d'adultes, tous ont gardé leur âme d'enfants, l'un tenant un ballon, l'autre une crécelle, pour ne rien dire de l'écuyère qui brandit des étoiles ! 

En somme, pour parcourir l'œuvre d'Astrid Laviéville, il faut une bonne dose d'humour pour percevoir celui toujours sous-jacent dans ses réalisations. Mais il faut également un grand sérieux et du rêve plein les yeux, (corroboré par les titres : "Le magicien des rêves", "le voyageur-conteur…) pour explorer les fantasmagories, les diverses métamorphoses  imaginées par l'artiste, avec une grande finesse dans les détails (laquelle se retrouve d'ailleurs dans les portraits en buste de vieilles dames qu'elle affectionne également) ! Deux aspects d’une culture et d’une créativité ; mais une seule personnalité, délirante ou rigoureuse, spontanée ou sophistiquée ; absolument libre!

     Et finalement, la démarche humano-zoomorphique d'Astrid Laviéville a généré une sorte d’ethnographie personnelle insolite, avançant dans une œuvre vivante, puissante, très originale et éminemment narrative. Du beau travail. 

Jeanine RIVAIS 

 

TEXTE ECRIT SUITE AU BIZ'ART FESTIVAL 2017 DE HAN-SUR-LESSE EN BELGIQUE.