LES PORTRAITS DE DOMINIQUE BILTEREYST, dite CROC

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De prime abord, les tableaux de Croc semblent autant de portraits épouvantés, visages échevelés, vus à travers des flots de peinture, projections, dégoulinements qui génèrent cette impression de terreur abjecte. D'autant que ses couleurs primaires, ses jaunes acides, sa palette de noirs et de rouges renforcent ce sentiment. 

     Mais en s'approchant, le visiteur peut constater qu'il n'en est rien. Que les visages pourraient n'être que des masques, n'était que parfois, la naissance d'une épaule suggère qu'ils ont bien une "réalité" ; qu'ils sont tour à tour calmes, sereins, provocateurs pour certains yeux outrageusement maquillés, exorbités parfois, ou au contraire introvertis pour d'autres, clos sur leurs pensées … 

     Alors, que se passe-t-il, en réalité ? N'est-ce pas que le tableau se constitue comme un échange permanent entre ses dessus et ses dessous, comme un entrelacs indémêlable entre le premier et l'arrière-plan ? Que chaque partie est par rapport à l'autre un fragment d’une logique rompue, une disruption d’improbables harmonies. Qui, au final,  ne font qu’un.

     En somme, le devant ne serait qu'une manière de cacher, camoufler l'arrière, le protéger, peut-être. Mais en même temps, les disparités entre les deux plans du tableau ne créent-elles pas un jeu entre l'apparaître et le disparaître, le processus construction/destruction supposant une détermination de l'artiste et donnant à penser que l'œuvre n'est pas une juxtaposition ou une superposition de touches de couleurs qui ne seraient sans aucun lien les unes avec les autres mais bien une construction composée avec un but précis : que les visages bien abrités, voire semi-cachés côte à côte sur le mur reflètent ses états d'âme ; et que les projections aient pour but de tout chambouler, punir ce visiteur de s'être contenté de  juger l’apparence !

     Ainsi, Croc dont le pseudonyme est suffisamment imagé pour être sans ambiguïté mord-elle dans un univers pictural dépourvu de perspective, en une démarche où s'affrontent l'ordre et le désordre, l'exhibé et le caché ; deux formulations artistiques qui se croisent, se complètent tout en préservant leurs différences ; d'où jaillit la preuve qu'elle sait imposer ces deux pôles de sa personnalité. Une œuvre éminemment grave, imaginative et insolite.

Jeanine RIVAIS

 

TEXTE ECRIT SUITE AU BIZ'ART FESTIVAL 2017 DE HAN-SUR-LESSE EN BELGIQUE.