DES BESTIOLES ET DES HOMMES

Ou

LE SURCYCLAGE DE GREGORY BycZyK

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     En fait, pour entrer dans le monde de Byczyk, il faut commencer par consulter un dictionnaire ! Parce que, qu'entend-il par "des matériaux surcyclés" ? 

          "Le surcyclage ou upcycling est l'action de récupérer des matériaux ou des produits dont on n'a plus l'usage afin de les transformer en matériaux ou produits de qualité ou d'utilité supérieure. On recycle donc "par le haut". En plus des bénéfices écologiques de la réutilisation, le surcyclage donne l'occasion de créer et recréer des objets uniques. De ce fait, on rencontre le surcyclage dans de nombreux contextes : à domicile, en entreprise, en galerie d'art"… Et dans l'impressionnant univers métallisé de Byczyk ! 

 

     Lequel est un jour tombé amoureux du métal et depuis lors, glanant tous azimuts des pièces abandonnées, il les travaille, les façonne, les soude… les métamorphose en objets qui ignorent les créations classiques, et présentent tous un caractère contemporain. Des "objets" ? En fait, des œuvres résolument ludiques qui vont des bestioles "quotidiennes", celles toutes petites mais qui font peur (fourmis au thorax et à l'abdomen faits d'une enfilade de boîtes, moustiques à antennes et pattes fildefériques, (même si, pour déroger, son cricket a demandé plusieurs bonbonnes à gaz pour affirmer sa maturité)  ; à des œuvres pouvant atteindre près de trois mètres de hauteur comme son "Zhybridogaz" !  

 

     "Bêtes et gens", affirme le dicton populaire ! Et ces deux mots résument bien l'univers de Byczyk, même si quelques infernales machines se glissent entre les deux ! Mais aussi machines soient-elles, elles ont de gros yeux pour voir ce que fait d'elles cet humain ! Et, paradoxalement, elles donnent l'impression d'être sur le point de s'envoler, alors qu'elles n'ont pas d'ailes, seulement quelques appendices latéraux qui, en aucun cas ne seraient capables de leur faire vaincre la gravité !!! 

     Mais les bêtes ? Hormis les insectes évoqués plus haut, elles sont toutes énormes ! Tel ce rhinocéros aux quatre pattes tubulaires posées sur des pieds/pistons. Pour le reste, ne faudrait-il pas faire appel à un mécanicien ? Un plombier ?... pour définir les pièces dont il est constitué ? Contentons-nous de dire que l'encolure est faite d'une bassine percée pour porter la tête à la gueule largement fendue, au nez qui descend sur les lèvres, et deux défenses/faucilles suraiguës ? Que le corps est une combinaison de radiateurs de voitures ? Et que la queue est bigrement en tire-bouchon ! Et puis, les chiens (du moins semblent-ils en être ? ) qui, assurément, ne sont pas faits pour courir sus à l'inconnu qui s'approcherait : leurs pattes raides pèsent lourdement sur leurs larges pieds/fleurs, tandis que leur corps est fait de (couvercles ? ), en tout cas de demi-sphères aplaties ;  que leur queue se recourbe comme celle d'un scorpion ou banalement en S ; et que leur tête a pour l'un  la forme d'un cœur avec une demi-sphère qui l'aveugle, pour l'autre une planche à deux pointes (oreilles ? ), deux yeux énormes de part et d'autre d'une amorce de trompe ! 

          Il faudrait ainsi définir subjectivement chaque variété animale sortie de l'imagination de Byczyk, mais la visiteuse profane rend son tablier !!

 

     Et en vient aux gens ! Aussi différentes que soient les combinaisons avec lesquelles l'artiste les a créés, tous ont  des "manques" même si, apparemment, ils disposent des éléments essentiels : comme ce robot manchot grimpé sur un tabouret et dont la tête triangulaire se penche en avant pour regarder l'oiseau qu'il tient de sa main valide. Comme cet autre, appuyé sur des poignées/jambes de manivelles dorées, mais n'a pas de bras ; tandis que sa bouche immense rit de ses multiples dents ; ou le troisième, celui qu'une main menace d'un pistolet, qui lève des bras trop longs, et qui n'a pas de corps, la mâchoire énorme, semblant ainsi posée entre les jambes ! 

 

          Bizarre, donc, l'univers métallique de Byczyk ! Comme s'il prenait un malin plaisir (il le prend certainement ! ) à provoquer son visiteur, s'amuser face à des créations pour lesquelles les variantes générées par des années de recherche, l'ont amené à être le géniteur d'une œuvre protéiforme, apparemment toujours différente et néanmoins toujours la même. Par l'esprit, du moins ! Et c'est une performance. Car son détournement d'objets hors de leur usage habituel, son art de la Récup'; plus qu'une simple activité, sont pour lui une philosophie de vie qui amène à considérer que son monde est sans limite, et que tant qu'il y aura des métaux, il y aura des BycZyK ! 

Jeanine RIVAIS

TEXTE ECRIT SUITE AU BIZ'ART FESTIVAL 2017 DE HAN-SUR-LESSE EN BELGIQUE.