LES PEINTURES OBSESSIONNELLES ET PROVOCATRICES DE CONTESSE KA

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   Comment définir les œuvres de Contesse Ka ? Sont-elles des œuvres fantastiques, elles qui correspondent si parfaitement à la définition de Théophile Gautier, "Le fantastique est une manière de raconter, le fantastique est structuré comme le fantasme" ? Nombreuses en effet sont celles qui proposent des scènes à la fois insondables et générant un sentiment d'angoisse face à la monstruosité des personnages et des situations auxquelles ils sont confrontés : homme semi-squelettique tenu par deux mains crispées sur sa poitrine, hurlant pendant que l'énorme aiguille d'une seringue lui traverse la bouche et le cou ! Ou encore ce savant fou qui pose sa main comme s'il repoussait le visage féminin, du crâne duquel surgissent des sortes de fourmis géantes !… Chaque fois différentes, mais toujours visant la même esthétique située entre violence et virulence, agressivité et fantasme, obsession et provocation. Telles les peintures de Félicien Rops qui "avait la haine des tiédeurs", elles entraînent le spectateur à suivre chaque geste, s'en imprégner, se laisser emporter par cet imaginaire tellement singulier.

 

          Mais les œuvres de Contesse Ka ne sont-elles pas également surréalisantes, par la façon dont elles bouleversent le réel pour suggérer le mystère de l'inconscient, et les ambiguïtés des comportements ; développent le questionnement comme cette sorte de mort/chauve-souris nue devant un lourd drapé, tandis qu'un diablotin la tire par une jambe ; ou comme la tête de la Liberté surmontée d'une sorte de carapace d'où émergent ici un minuscule nounours, là un corps évanoui pendant au-dessus du vide . Tandis que vogue une barque sur la partie crochue comme un bec… le tout provoquant un mélange de reconnaissable en même temps que d'étrange. N'y a-t-il pas là une sorte d’obsession, qui conjugue des éléments alliés au  fantastique déjà évoqué, au plaisir (parfois pervers ?) et aux rêves ? 

 

    Par ailleurs, Contesse Ka n'est-elle pas une descendante de Dürer ? Par ses portraits tellement saisissants, si violemment évocateurs, tel ce personnage aux yeux hallucinés, nez busqué et bouche cernée par une moustache, dont les cheveux comme poussés par un vent puissant découvrent une oreille, tandis qu'une ébauche de ville apparaît derrière une épaule, et que des planètes (?) gravitent alentour. Quand elle réalise un portrait aussi puissant, l'artiste ne se fait-elle pas la même réflexion que se faisait le maître : "Ce qu’est la beauté, je l’ignore" ? Mais cette beauté est bien là, qu'elle nous communique grâce à sa personnalité, l'expression de l'indicible chaos intérieur qui, manifestement, l'habite.

 

 

          Car, à l'évidence, ce qui est exprimé dans les dessins en noir et blanc de Contesse Ka est de l'ordre d'une tragédie personnelle, qu'elle a réussi à représenter et à apprivoiser. Or, dès l'instant où cette tragédie originelle peut être représentée, elle devient pensable et assimilable. Et il semble bien que cette création soit un acte de délivrance, de mise à jour de l'expérience inconsciente mémorisée, le résultat étant son monde impénétrable, provocateur qui, ainsi qu'il est dit plus haut, à la fois fascine et terrorise le spectateur. 

 

          Alors, peut-on considérer comme le repos du guerrier, ces peintures en couleurs, illustrant la couverture de contes comme "L'Auberge de l'ange gardien" ; ou encore cette petite princesse à la magnifique chevelure sophistiquée, à la robe galbant son corps idéal ; cette Blanche-Neige tentant d'échapper à la vilaine sorcière encapuchonnée qui, en arrière-plan tient une belle pomme bien rouge ? Qui sait ? 

Jeanine RIVAIS

 

 

TEXTE ECRIT SUITE AU BIZ'ART FESTIVAL 2017 DE HAN-SUR-LESSE EN BELGIQUE.