EXPOSITION-RETROSPECTIVE et MONOGRAPHIE de FRANÇOIS STAHLY, sculpteur

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En 1997, trois lieux ont présenté, en Normandie, l’histoire picturale de François Stahly dont les oeuvres marquent, depuis 1937, “l’empreinte de l’homme sur la terre”, la trace de cet artiste immense, érigée dans le monde entier !

A l’occasion de cette rétrospective, vient de paraître une magnifique monographie qui évoque la double origine du créateur (père italien, mère allemande) ; l’imprégnation d’une culture transmise par son père, lui-même peintre) ; et, insufflée par sa mère, une “éducation tolstoïenne empreinte de bouddhisme”... Ces influences croisées sont à la base de son sentiment de n’être de nulle part, de “n’appartenir qu’au monde de l’art”. Le livre suit sa familiarisation avec les théories du Bauhaus, puis avec celles de l’Académie Ranson à Paris, où il rencontre Etienne-Martin ; son mariage avec une Française, Claude ; leurs errances de la guerre fuyant la Gestapo. Et, contrepoint de cette vie instable, celle vécue au milieu des artisans et des bergers grâce à qui il se rapproche de la nature, travaille des bois communs, trouve des racines dans les deux sens du terme.

A partir de là, les sculptures de François Stahly iront du minuscule, en des amulettes à connotation occulte, tenant dans la main ; à de gigantesques monuments conçus sur de vastes chantiers soumis “aux contraintes et à la ferveur communautaires”.

Installé à Meudon après la guerre, auprès de Arp dont “il partage la vénération germanique de la forêt et le goût des formes germinatives”, ses œuvres sont toujours conçues en étroite concordance avec l’environnement ; semblent couler leurs formes dans celles de la végétation voisine, (Servent de feu. 1953) ; revenir aux racines de la civilisation avec des "Vénus-Mère "(s), des "Arbre (s)- Mère (s)", etc. : oeuvres éminemment sensuelles, tellement polies, miroitantes, que le spectateur a envie de les caresser , créer avec elles une intimité, suivre leurs replis chauds et soyeux, poser le visage sur leurs rondeurs...

Et si l’on considère que, pendant longtemps, Stahly a peu dessiné, on peut s’émerveiller que des formes si pleines, si harmonieuses (Vénus hottentote) aient, non pas “jailli” sous sa main, mais se soient naturellement élaborées sous la gouge ou le burin, au fil de sa pensée, comme des fœtus au long d’une gestation !

Ce souci de perfection formelle capable de témoigner de son retour “aux sources de la sensualité du monde végétal” permet au lecteur de suivre le questionnement qui, toute sa vie, a hanté François Stahly : Où commence l’oeuvre ? Comment l’appréhender dans sa totalité ? Comment en faire le tour sans qu’aucune de ses faces soit “oubliée”, “isolée” ? A quel moment est-elle / sera-t-elle achevée ? D’ailleurs, s’achève-t-elle jamais ? uL’art est l’aspect visible de mon questionnement” déclare Stahly. “Il est son propre témoin, son critique lucide et réfléchi” : cette remarque de Pierre Cabanne permet de comprendre que, se remettant ainsi en cause, l’artiste ait toujours refusé des relations faciles, des offres susceptibles de contrarier son absolue liberté ; cherché de possibles complicités de création (Etienne-Martin...) mais, quitte à nourrir les plus vifs regrets, à prendre du recul chaque fois que cette liberté créatrice pouvait sembler menacée !

Vénus hottentote
Vénus hottentote

C’est pourquoi, bien que datées dans la monographie, il est impossible de situer temporellement les oeuvres de François Stahly. Il les a conçues avec son tempérament ; avec la technique acquise dans sa jeunesse et peaufinée au cours des décennies, mais sans souci des modes ; cherchant toujours ; l’idéal pour lui étant de faire comme Hokusaï qui, si souvent, modifia son nom, pour fuir les inconvénients de la célébrité : réaliser une oeuvre anonyme.

Pourtant, même gêné depuis quelques années par la maladie, l’artiste ne peut s’empêcher de créer : incapable, désormais, de sculpter, il s’est mis au dessin devenu un “moyen d’expression immédiat, sorte de journal de sa vie intérieure”. François Stahly semble cependant avoir quitté -mais il n’y a aucun hiatus !- le monde de ses quêtes spirituelles ; en avoir trouvé un autre, celui du témoignage : "Apocalypse et résurrection" , "La Bosnie", beaucoup plus violents que les sculptures, sont faits de croisillons géométriques, enserrant des “prisonniers” ; de sortes d’excroissances végétales dont les rets retiendraient jusqu’à l’étouffement, des êtres d’une réalité physique à couper le souffle du lecteur !

Bref, sculptée ou dessinée, l’oeuvre de François Stahly s’impose comme une évidence universelle ; et la qualité de la monographie qui lui est consacrée, en fait un hommage à la dimension du créateur.

Jeanine Rivais.


CE TEXTE A ETE ECRIT EN 1997.

Né en 1911, François Stahly est décédé en 2006.

Eté de la forêt
Eté de la forêt