HOMMAGE A SEBASTIEN FAYE

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"Déchiré va-t-il entier 

Rester sur quelque sentier " (Stéphane Mallarmé. Poésies)

Déchiré, Sébastien Faye l'était incontestablement qui, dans chacun de ses textes, partait en quête de "quelqu'un d'autre", encore plus déchiré que lui. Ecriture nerveuse, s'engageant à fond dans ses prises de positions ; les renforçant de multiples citations, comme pour trouver à ses questionnements intimes, un écho capable d'en supprimer le point d'interrogation. Ainsi conduisait-il le lecteur d'Albert Camus à Jean genet, d'Henri Michaux à Mishima, etc. Plus philosophe qu'écrivain, finalement ; tentant à travers ses "Réflexions sur une époque" d'expurger son mal de vivre ; une sorte de va-et-vient qui le menait de ses doutes et ses inquiétudes immédiats à ces écrivains de la génération d'"avant" lui, pas trop "morts" pour que leur itinéraire garde sa contemporanéité ; assez morts tout de même pour que leur œuvre devenue de la culture, lui permette d'étayer ses propres angoisses. 

Le plus surprenant ne fut-il pas son long hommage récent à "La Conjuration des imbéciles" de John Kennedy-Toole ?  Aurait-il fallu y entendre un glas prémonitoire ? Sébastien Faye "se retrouvait-il" dans cet ouvrage qui, lors de sa parution en 1980, suscita tant d'émotion, dénonçant de façon désespérée  tous les tabous sociaux, religieux et culturels auxquels lui-même s'attaquait ?  Quel autre lien pouvait unir un obèse criant son martyre, délirant sur l'autoritarisme de sa mère, dégoulinant de sa boulimique révolte contre le monde entier : et ce grand jeune homme élégant, intellectuellement si brillant ? 

Quelle que soit la réponse, elle se situe sur un plan personnel, non sur le plan de l'écriture. Et, dans l'un et l'autre cas, la mort a, vers la trentaine, pris le pas sur la force de vie : John Kennedy-Toole mit fin, naguère, à "une tumultueuse et gargantuesque tragi-comédie humaine" (¹). Souhaitons à Sébastien Faye qui écrivait l'an passé "Si on ne choisit pas son époque, on est libre de son exil, intérieur, artistique, ou autre…", d'être en harmonie, enfin, avec l'exil qu'il s'est choisi.

Jeanine RIVAIS

 

(¹) Walker Percy ; Préface à "La Conjuration des imbéciles". 

 

CE TEXTE A ETE PUBLIE DANS LA REVUE IDEART.