"VOYAGES » IMAGINAIRES DE JABER…

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          "Depuis que le « philosophe-clochard" Mouna a quitté le parvis de Beaubourg et rejoint la terre des ancêtres, c’est Jaber qui mène la danse. Il observe, sarcastique, le monde qui fonce autour de lui"…

         "Si tu ne connais pas la misère, tu ne peux pas devenir peintre". (Philippe Lespinasse"

 

          Jaber que découvrit fortuitement Cérès Franco lorsqu’elle avait sa galerie de l’œil-de-Bœuf (¹). Jaber qui désormais se répand dans tout Paris, sur le parvis de Beaubourg dont il se dit le Roi, dans les galeries, les librairies, les musées… Jaber et son travail primitif, très coloré dans des tons monochromes appliqués à larges coups de la brosse ou de la main ; jetés spontanément sur la toile ou le papier.

          Depuis bien des années, se retrouve ainsi le même petit bonhomme à la tête de profil taillée à l’emporte-pièce, avec son grand œil naïf, son nez en trompette et son air mutin de poulbot qui explore son territoire ; le même oiseau perché dans le même arbre, près de la même maison ; parmi l’herbe et les fleurs à profusion. Et, sans doute parce que l’artiste voyage beaucoup mentalement, sont écrites en grosses lettres, comme autant d’étapes de ces itinéraires fantaisistes, des noms de personnes, de villes ou de pays : JAKLANG PARIS ALLEMAGNE AUVERGNE, sans oublier la signature JABER qui entre dans la composition du tableau et peut aussi bien décorer la coque d’un bateau à voile qu’orner le poitrail d’une biche. Et des dates, généralement deux, sans que l’on puisse dire s’il s’agit de la date de réalisation (assez invraisemblable) du tableau ou de celle à laquelle s’est « déroulé » le voyage « évoqué », ou simplement celle qui lui est passée par la tête à cet instant-là ?

 

          Parfois, Jaber décide de « raconter » une histoire : Et ce sont alors sur un même plan (puisque, comme la plupart des autodidactes naïfs, il ignore la perspective) le Radeau de la Méduse, Don Quichotte/Jonas chevauchant à dos de cheval/Baleine ; le Petit Chaperon Rouge offrant sa galette au Loup ; un incident sur le Tour de France… ou une course éperdue dans une voiture à tête d’animal à l’énorme gueule ornée de terribles crocs et d’une interminable langue rouge, etc. Cependant que, par intermittence, une chéchia, une djellaba ou des babouches, rappellent les origines tunisiennes de l’artiste…

          Mais d’autres fois, il « devient » photographe et réalise des portraits pris en buste comme les photos d’identité : Ils sont féminins, bien sûr. Eux, sont de face, et les opulentes chevelures brunes et frisées encadrent des visages aux gros yeux, qui donnent aux personnages ainsi « représentés », un air vaguement ironique !

 

      Parallèlement à cette saga très imaginative et répétitive, Jaber réalise une multitude de petites sculptures en papier encollé (les mêmes personnages que les peintures) ; têtes humaines, figures emblématiques ne comportant que la tête en équilibre sur le cou, reconnaissables à l’infini parce qu’il en a créé des… milliers ? des centaines à tout le moins ! Et que son nom y figure en caractères énormes par rapport à la dimension de l’objet !

          Sans doute, comme tout un chacun, Jaber connaît-il des moments difficiles ? Mais son œuvre n’est qu’un grand éclat de bonne humeur, si simple et rayonnante, si bon enfant, si sympathique, si pleine d’humour, qu’elle semble mettre au défi le spectateur ou plutôt l’inviter à venir… dans le pré avec lui, pour y trouver le bonheur !

Jeanine RIVAIS

 

(¹) Michel Nedjar, fondateur avec Madeleine Lommel et Claire Teller du célèbre usée l'Aracine, actuellement situé à Villeneuve-d'Ascq, clame qu'ils étaient les découvreurs originaux de Jaber !! 

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Obituary

Jaber Al-Mahjoub 1938-2021

 

Jaber was born in Tunisia in 1938, but lived most of his life in Paris, where he existed as a homeless person, living on the streets near the Beaubourg Museum and displaying his paintings along the banks of the River     Seine. He died in November 2021. His life and art work are described here by Jeanine Rivais.

 

 

JABER'S IMAGINARY TRAVELS

by Jeanine Rivais

Jaber was discovered  by Ceres Franco when she opened her gallery, The "Œil-de-Bœuf". Jaber spread himself over Paris, on the forecourt of the Beaubourg Musee, of which he called himself the King ; in the galleries, librairies, museums. There on the streets, Jaber made his primitive art work, spontaneously thrown on canvas or paper or applied with broad strokes of the brush or hand. He used unmixed colors straight from the tube.

For many years, the little man lived, with his head in profile, with his great naive eye, his turned-up nose and the mischievous air of a street urchin who was exploring his territory. And, because the artist traveled only mentally, he always painted in large letters the names of these whimsical itineraries – the names of persons, towns or countries. For example: JAKLANG, (Jack Lang, the first French minister of culture) PARIS, ALLEMAGNE, AUVERGNE, BRETAGNE. 

Without forgetting his signature JABER, which is part of the composition of his paintings, he may as well have decorated the hull of a sailing boat as the breast of a doe. And the dates, generally two, without anybody being able to say if this is the date of realisation of the picture (rather improbable) or the date when the so-described "trip" took place. Or was  this simply what went through his mind at the moment ? 

        Sometimes, Jaber decided to "tell" a story. And then, there appeared on a same level (since, like most of naive self-made artists, he did not know about perspective) the Raft of the Medusa ; Don Quixote or Jonas riding on a horse or a whale ; little Red Riding Hood offering the Wolf her cake ; an incident on the Tour de France  –  or a frantic race aboard a car with a head of an animal, its huge mouth adorned by terrible fangs and an endless red tongue. While, intermittently, a chechia, a djellaba or babouches remind one of the artist's Tunisian origins.  

But at other times, he painted identity portraits as if they were photographs. They were feminine, of course. They were full-faced with brown, curly, opulent hair that framed big-eyed faces, and which gave the persons a vaguely ironic air!   

Parallel to this imaginative and repetitive saga, Jaber made a lot of small sculptures in papier mache (the same persons as described by the paintings) – human heads, emblematic figures, the head balancing on the neck. They are  recognizable because he has created hundreds of them and because his name is written on them in large letters!

        Undoubtedly, like everybody, Jaber went through difficult times. But his work was always a great burst of good humour, so simple and radiating, so good-natured and sympathetic, so full of fun. His art seems to challenge the spectator, or rather invite him to come to the meadow with him and there, find happiness.

Jeanine RIVAIS 

(¹) Michel Nedjar, founder with Madeleine Lommel and Claire Teller, of the reputed museum ARACINE, actually situated in Villeneuve d'Ascq, claims that they were the original discoverers of Jaber ! 

 

JEANINE RIVAIS from Courson-les-Carrieres, France, was one of the main writers for Le Bulletin  d’Association des Amis d’Ozenda, published by Jean-Claude Caire for many years.

 

THIS TEXTE WAS PUBLISHED IN "FOLK ART MESSENGER", AN AMERICAN OUTSIDER MEDIA IN 2022, by ANN OPPENHIMER